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La fibromyalgie Partie 1 : Nouvelles hypothèses médicales

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La Fibromyalgie Partie 2 : Approche holistique en médecine nutritionnelle

Introduction

La Fibromyalgie représente l’exemple même d’une maladie des temps modernes dont la compréhension dépasse largement la vision classique de la médecine basée sur « l’organe malade ». C’est pourquoi souvent la médecine parle d’un syndrome dont l’origine n’est pas connue. La médecine n’arrive pas expliquer scientifiquement ce syndrome. C’est pourquoi le diagnostic est posé essentiellement sur des critères cliniques. Ainsi les critères édités par l’American Collegue of Rheumatology en1990 se basaient uniquement sur l’existence des douleurs chroniques généralisées avec la présence d’un certain nombre de points sensibles tendino-musculaires. Vingt ans plus tard, en 2010, ce n’est pas mieux puisque l’on a seulement élargi les critères en intégrant des symptômes déjà connus tels que la fatigue, les troubles du sommeil et les troubles cognitifs.

En réalité, les signes cliniques caractérisant la fibromyalgie restent assez généraux et peu spécifiques. C’est pourquoi pour de nombreux médecins, ce syndrome incompris reste surtout un diagnostic d’exclusion. Par exemple, les psychiatres en font un trouble psychiatrique appelé «le syndrome douloureux somatoforme généralisé », ce qui somme toute est une autre façon de mettre une personne dans une case diagnostic surtout lorsqu’on ne sait pas ce que c’est. Souvent les personnes souffrant de ce syndrome sont envoyées chez un rhumatologue, probablement avec de bonnes raisons, car l’intérêt dans ce cas n’est pas de diagnostiquer cliniquement une fibromyalgie, mais surtout d’exclure une maladie rhumatismale qui pourrait prendre l’apparence d’un syndrome fibromyalgique. En effet, certaines maladies rhumatismales telles qu’un Lupus érythémateux (1), une maladie de Sjogren ou une spondylarthrite ankylosante, pourraient dans les premiers temps se manifester par des signes cliniques identiques à ceux d’une fibromyalgie. Nous allons voir toutefois que la fibromyalgie n’est pas une maladie d’exclusion ni une maladie psychosomatique. Les études médicales nous montrent que la fibromyalgie est la conséquence de perturbations patho-physiologiques complexes. Heureusement la recherche médicale met à jour de nouvelles pistes, nous permettant d’envisager dans le futur des prises en charge plus ciblées, mais surtout de comprendre que la médecine nutritionnelle à une place majeure dans cette prise en charge.

De nouvelles hypothèses médicales

Nous allons prendre conscience ci-dessous de toutes les nouvelles hypothèses médicales basées sur les connaissances scientifiques les plus pointues dans ce domaine. Nous allons découvrir que la fibromyalgie est une maladie complexe impliquant des atteintes physiologiques multiples dont l’origine est souvent difficile à préciser. Toutefois nous verrons que ces connaissances vont également nous permettre d’élaborer des prises en charge plus ciblées et holistiques. Maintenant, il est temps d’explorer les nouvelles pistes médicales.

Est-ce une maladie auto-immune ?

La Fibromyalgie n’est pas reconnue comme maladie auto-immune. Toutefois, on retrouve assez fréquemment une association entre la fibromyalgie et diverses maladies auto-immunes. Récemment, plusieurs études émettent l’hypothèse que certains facteurs de l’environnement pourraient favoriser la fibromyalgie par un phénomène auto-immun. En effet, le déclenchement d’une auto-immunité est un phénomène complexe qui requiert une interaction entre une prédisposition génétique et un facteur de l’environnement. Certaines recherches montrent que des personnes souffrant de fibromyalgie ont été plus exposées à divers adjuvants (vaccins, implants métalliques, proximité à des usines polluantes, etc.) (2,3,4). Par exemple, certains adjuvants tels que les vaccins ou les prothèses en silicone sont connus pour pouvoir déclencher un tableau identique à la fibromyalgie appelé « Autoimmune/inflammatory syndrome induced by adjuvants, ASIA ». Il est dès lors possible qu’un des facteurs déclenchant de la fibromyalgie soit un adjuvant ou une substance toxique provoquant une réaction de type auto-immune chez des personnes ayant une fragilité génétique à gérer ces substances.

Un autre constat est la relation fréquente entre des maladies auto-immunes, principalement de la thyroïde et la fibromyalgie. Ainsi dans une publication médicale récente, sur un panel de 180 fibromyalgies, on a retrouvé chez environ 40 % des anticorps antithyroïdiens sans qu’il y ait une hypo ou hyperthyroïdie (5). Une autre étude allant dans le même sens a comparé un groupe de fibromyalgies avec un groupe témoin en démontrant que le groupe fibromyalgique souffrait plus fréquemment d’auto-immunité et de perturbations de la thyroïde (6). Dès lors, il devient clair que des troubles de l’immunité existent dans la fibromyalgie sans que l’on puisse mettre en évidence des marqueurs spécifiques qui pourraient en faire une maladie auto-immune reconnue.

Est-ce une maladie neurologique ?

Sur la base de diverses études sur les animaux ou les humains, on a pu démontrer qu’il existait dans divers syndromes douloureux chroniques tels que la fibromyalgie, une neuroinflammation pouvant jouer un rôle central (7). Ainsi, dans la fibromyalgie, des études ont mis en évidence une augmentation de certains messagers de l’inflammation autant dans le sang que dans le liquide cérébral (8). De plus, l’imagerie du cerveau a montré des altérations de certaines parties du cerveau régulant la douleur. En effet, diverses études ont montré qu’il existe des perturbations dans la régulation cérébrale de la perception de la douleur autant au repos que lors de sollicitations douloureuses. Cela expliquerait l’hypersensibilité cutanée et viscérale (hyperalgésie) caractéristique de la fibromyalgie (9). Ces constatations ont amené certains neurologues à considérer la fibromyalgie comme une maladie neurologique. Cela a justifié la prescription de médicaments agissant sur les systèmes nerveux tels que le Lyrica qui module le seuil de perception de la douleur. Malheureusement, ce type de traitement pour avoir une certaine efficacité doit être prescrit à des doses qui sont souvent mal tolérées. En contrepartie nous verrons dans la 2ème partie que des approches comme la stimulation transcraniale du cerveau semble être une stratégie intéressante pour réduire la douleur dans la fibromyalgie.

Est-ce une dysfonction de nos mitochondries ?

La source d’énergie de notre organisme provient de nos mitochondries qui sont des véritables centrales d’énergie intracellulaire. Lorsque nos mitochondries ne marchent plus correctement, c’est tout notre organisme qui dysfonctionne. La perturbation de nos mitochondries provient le plus souvent d’un stress oxydatif mal géré. L’inflammation, les perturbations immunitaires, les toxines de l’environnement peuvent entraîner un excès de radicaux libres qui peuvent à leur tour abîmer nos cellules, nos tissus, et même nos mitochondries. De nombreuses études récentes indiquent que le stress oxydatif joue un rôle déterminant dans le développement de la fibromyalgie (10). Ce stress oxydatif pourrait également abîmer les petites fibres nerveuses cutanées (small fiber neuropathy) et expliquerait ainsi l’allodynie caractéristique de cette maladie (sensation douloureuse de la peau) (11). Récemment, une publication médicale a même montré une relation entre l’importance du stress oxydatif et la sévérité clinique de la fibromyalgie (12). Plusieurs études ces dernières années ont également confirmé l’impact favorable sur la fibromyalgie d’une alimentation riche en antioxydants (13,14). De plus, la prise de certains antioxydants tels que le Coenzyme Q10 (15) a montré un effet positif dans la fibromyalgie. D’autres antioxydants tels que le resvératrol (16) ou la mélatonine (17) semblent des traitements prometteurs et sont en cours d’évaluation.

Est-ce dû à une perturbation de notre microbiote ?

L’intestin et surtout le microbiote sont à l’honneur ces dernières années. On sait actuellement que notre écosystème intestinal interagit étroitement avec nous. Il est capable d’agir sur notre immunité, notre métabolisme, nos hormones et même notre cerveau. Dans le syndrome de fatigue chronique, une publication récente a montré que ce syndrome était associé avec une dysbiose intestinale ainsi qu’à des modifications du métabolisme des bactéries intestinales (18). Concernant la fibromyalgie, il semble exister également une perturbation de l’axe intestin-cerveau en relation avec un changement du microbiote. C’est ce que montre un article médical de mai 2017 mettant en évidence des profils métaboliques d’origine intestinale différents entre des personnes souffrant de fibromyalgie et des personnes témoins (19). Sur le plan thérapeutique, on observe de la part de la médecine, un réel questionnement sur l’utilité de probiotiques dans la prise en charge de la fibromyalgie justifiant la mise en place d’études sérieuses randomisées, en double aveugle (20). D’autres chercheurs suggèrent même que les transplantations fécales pourraient devenir un jour un traitement prometteur de maladies chroniques telles que la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique (21).

Est-ce lié à une intolérance au gluten ?

Une autre hypothèse, de longue date retenue comme vraie dans les approches médicales alternatives, est le rôle délétère du gluten dans de nombreuses maladies, comme la fibromyalgie.  Certains médecins suspectent la sensibilité au gluten d’être associée à diverses maladies rhumatismales comme la fibromyalgie ou des maladies auto-immunes, d’autant plus que de nombreuses observations médicales soutiennent cette hypothèse (22). En effet, des recherches sur la sensibilité au gluten ont mis en évidence, chez les personnes sensibles, des perturbations immunitaires, une altération de la barrière intestinale ainsi que des modifications du microbiote (23). Plusieurs publications ont évoqué l’hypothèse que la sensibilité au gluten pourrait être une cause de fibromyalgie (24). Ainsi, une étude de 2014 a montré qu’après une année d’exclusion du gluten, on assistait à des signes modérés d’amélioration des symptômes chez des personnes souffrant de fibromyalgie (25). Nous n’avons toutefois pas d’études démontrant sans équivoque l’hypothèse du rôle du gluten dans la fibromyalgie. A contrario, une étude de juillet 2017 a testé cette hypothèse en évaluant deux groupes de fibromyalgiques, un groupe bénéficiant d’une diète sans gluten et l’autre d’une diète hypocalorique. Cette étude n’a constaté aucune différence significative entre les deux groupes (26). Dès lors, le rôle du gluten dans la fibromyalgie reste encore débattu. Il reste toutefois probable qu’un sous-groupe de fibromyalgique, sensible au gluten, puisse réellement bénéficier de l’arrêt du gluten.

En conclusion

La fibromyalgie reste une maladie complexe caractérisée par des altérations multiples impliquant le système immunitaire, le système nerveux, le métabolisme énergétique cellulaire, certaines glandes (thyroïde, surrénales) ainsi que le microbiote intestinal. Dès lors, si l’on veut prendre en charge cette maladie, il faut soutenir et rééquilibrer l’ensemble de ces systèmes. Rechercher et traiter une cause déclenchante peut être utile, mais c’est l’ensemble de la prise en charge qui est nécessaire. Nous allons discuter dans la 2ème partie de cet article d’une prise en charge la plus holistique possible en médecine nutritionnelle et également évoquer des traitements alternatifs prometteurs dans ce domaine. Certaines approches classiques restent toutefois indiquées et complémentaires telles qu’un soutien psychologique, des techniques de gestion du stress, un entraînement physique adapté ou des techniques relaxantes (massages, sophrologie, méditation, etc.).

Dr. A. D’Oro

La Fibromyalgie Partie 2 : Approche holistique en médecine nutritionnelle

Références

  1. Torrente_segarra V « Fibromyalgia prevalence and related factors in a large registry of patients with systemic lupus erythematosus » Clin Exp Rheumatol 2016 Mar_Apr ;34
  2. Agmon-Levin N « Chronic fatigue syndrome and fibromyalgia following immunisazion with the hepatitis B vaccine : a another angle of the auto-immunity syndrome induced par adjuvant » Immunol Res 2014 ;60 (2-3) :376-83
  3. Andreoli L « Undifferentiated connective tissue disease, fibromyalgia and the environmental factors » Curr opin Rhumatol 2017 Jul ;29(4) :355-360
  4. Colaris MJL « Two hundreds cases of ASIA syndrome following silicone implants : a comparative study of 30 years and review of current literature » Immunol Res. 2017 Feb ;65(1) :120-128
  5. Nishioka K « High prevalence of anti-Tsh receptor antibody in fibromyalgia syndrome » Int J Rheum Dis, 2017 Jun ;20(6) ;685-690
  6. Brooks L « Assessing the prevalence of autoimmune, endocrine, ggynecologic and psychiatric comrbidities in a ethnically diverse cohort of female fibromyalgia patients : does the time from hysterectomy provide a clue » J Pain Res. 2015 Aug 20 :8 :561-9
  7. Vasquez A. « Neuroinflammation in fibromyalgia and CRPS is multifactorial » Nat Rev Rheumatol. 2016 Apr ;12
  8. Backryd E. « Evidence of both systemic inflammation and neuroinflammation in fibromyalgia patients, as assessed by a multiplex protein panel applied to the cerobrospinal fluid and plasma » J Pain Res. 2017 Mar 3 ;10 :515-525
  9. Jorge LL « Brain imaging in fibromylgia » Curr Pain Headache Rep 2012 Oct ;16(5) :388-98
  10. Yidrim T « The role of oxydative stress in the relation between fibromyalgia and obstructive sleep apnee syndrome » Eur Rev Med Pharmacol Sci 2017 Jan ;21 :20-29
  11. Sanchez-Dominguez B. « Oxydative stress, mitochondrial dysfonction and inflamation common events in skin of patients with fibromyalgia » Mitochondrion 2015 Mar ;21_69-75
  12. Fatima G « Some oxydative and antioxidative parameters and their relationship with clinical symptoms in women with fibromyalgia syndrome »
  13. Costa de Miranda « Polyphenol-Rich Foods alleviate pain and ameliorate quality of life in fibromyalgic women » Int J Vitam Res. 2016 Nov 21 ;1-10
  14. Rus A «  Extra Virgin Olive Oil Improves Oxydatives Stress, Functional Capacity and Health-related Psychological Status in patients with fibromyalgia : a preliminary study » Bio Res Nurs. 2016 Jul 21
  15. Di Pierro F « Role of water-soluble form of CoQ10 in female subjects affected by fibromyalgia. A preliminary study » Clin Exp Rheumatol 2017 May-Jun ;35
  16. Peres Klein C « Coadministration of resveratrol and rice oil mitigates nociception and oxydative state in a mouse fibromyalgia-like model » Pain Res Treat 2016 ;3191638
  17. Favero G « Oral supplementation of melatonine protecs against fibromylgia-related skeletal muscle alteration in reserpine-induced myalgia rats » Int J Mol Sci 2017 Jun ;18(7)
  18. Nagy-Skazal « Fecal metagenomic profiles in subgroup of patients with myalgic encephalomyelitic/chronic fatigue syndrome » Microbiome 2017 Apr 26 ;5(1) :44
  19. Malatji BG « A diagnostic biomarker profile for fibromyalgia syndrome based on the NMR metabolomics study of selected patients and controls » BMC Neurol 2017 May 11 ;17(1) :88
  20. Roman P « Probiotics for fibromyalgia : study design for a pilot double-blind, randomized controlled trial » Nutr Hosp 2017 Oct 24 ;34(5) :1246-1251
  21. Choi HH « Fecal microbiota transplantation :current applications, effectiveness and future perspectives » Clin Endosc 2016 May ; 49(3) :257-65
  22. Isaci C « Non-celiac gluten sensitivity and rheumatic diseases » 2016 Jan-Fev ;12(1) :4-10
  23. Volta U « Non-coeliac gluten/wheat sensitivity :advances in knowledge and relevants questions » Expert Gastroenterol Hepatol 2017 Jan :11 ;9-18
  24. Isaci C « Fibromyalgia and non-celiac gluten sensitivity : a description with remission of fibromyalgia » Rheumatol Int 2014 Nov ;34(11) :1607-12
  25. Volta U « Gluten-free diet in the management of patients with irriable bowel syndrome, fibrmyalgia and lymphocytis enteritis » Arthritis Res Ther 2014 Déc 23 ;16(6) :505
  26. Slim M « The effects of a gluten free diet versus a hypocaloric diet among patients with fibromyalgia : Experiencing gluten sensitivity-lika symptoms : a pilot, open-label randomized clinical trial » J Clin Gastroenterol 2017 Jul ;51(6) :500-507

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