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Nourrir son sens à l’existence comme antidote à la souffrance (Par Thierry GAZAN)

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Préface

Et si notre état de santé était tributaire du sens et du but que nous donnons à notre vie ? Nous reconnaissons volontiers que vivre une vie intéressante et pleine de sens contribue  à notre bien être général et probablement nous permet de mieux vivre ; a contrario nous pouvons donc penser qu’une vie sans passion et sans but puisse probablement affecter et altérer notre santé physique et psychique.

Jusqu’à présent la médecine s’est beaucoup intéressée au stress et aux émotions négatives ; de nombreuses publications ont démontré l’effet positif sur la santé de l’utilisation de techniques de gestion du stress et de la pensée positive.

Toutefois, quelque chose de plus profond et de plus essentiel transcende notre état émotionnel. Que sommes-nous en train de vivre ? Vivons-nous pleinement une vie qui a du sens, qui nous élève ?

Actuellement la médecine se penche  sur ce constat intuitif et diverses publications médicales amènent des preuves scientifiques dans ce sens.

Ainsi, dans une étude récente (Stroke, 2015),  Patricia Boyle co-auteur de l’étude,  souligne que le fait d’avoir un but dans sa vie est un facteur protecteur puissant pour maintenir l’intégrité de notre cerveau.

Dans cette étude 453 personnes âgées ont été évaluées dont aucune n’avait de signes de démence. Durant l’étude, 114 personnes sont décédées d’une attaque cérébrale. Les résultats ont montré  que celles qui avaient maintenu un but positif à leur vie avaient 44% de risque en moins d’avoir un infarctus du cerveau. Fait intéressant, la présence de facteurs de risques tels que l’hypertension, la sédentarité, la dépression ou le diabète ne minoraient pas l’effet protecteur que représentait le fait  de  garder un but positif dans sa vie.

L’auteur déclare qu’il est important pour les personnes âgées  de maintenir des activités motivantes, d’apprendre des choses nouvelles et de continuer à interagir avec la communauté. Elle  souligne également le fait que les médecins devraient en prendre conscience et ainsi encourager leurs patients à créer ou maintenir un sens positif à leur vie.

Toutefois, donner ou maintenir un sens positif à sa vie n’est pas chose aisée et dépend du parcours existentiel de l’individu. Le médecin n’est pas toujours à même d’apprécier la qualité existentielle de son patient ; quant au psychologue, il concentre, quant à lui,  son attention plus sur la souffrance psychique. La qualité existentielle de notre vie relèverait donc  plus d’une approche philosophique.

Pour cela, j’ai demandé à un ami philosophe d’écrire un article sur l’importance de retrouver ou maintenir un sens positif à son existence.  Pour rendre le texte plus vivant, l’auteur  a décidé d’exprimer sa pensée et son message philosophique à travers un dialogue imaginaire entre un philosophe et une patiente.

Bonne lecture.

Dr A. D’oro

Nourrir son sens à l’existence  comme antidote à la souffrance

La chose peut surprendre lorsqu’on évoque la portée thérapeutique de la philosophie. La formulation traditionnelle à ce propos est : la philosophie en tant que thérapie de l’âme. Il importe surtout de ne pas confondre ce rôle avec celui d’une psychologie contemporaine. En effet la philosophie agit au niveau le plus fondamental pour un individu humain : celui relatif au sens d’une existence humaine.

La philosophie postule que l’être humain à l’aide de ses seules forces doit être lui-même l’auteur de sa vie et doit être responsable du sens qu’il lui donne de façon consciente. L’homme ne doit pas compter sur une tradition, ou sur une religion pour se dispenser de cette tâche.

Or, la détresse de beaucoup de nos contemporains repose sur cet oubli essentiel : devenir possesseur de quelque chose qui mérite véritablement la dénomination de « sens à l’existence ».

C’est à  ce niveau que peut intervenir le philosophe, si l’on sait que sa compétence  pour bâtir du sens repose sur une aptitude intellectuelle acquise. Par une pensée rationnelle et pénétrante, il amène la personne à  définir ce qu’elle veut réellement vivre : « Qu’est-ce que le bonheur pour moi ? Quel sens dois-je donner à ma vie pour ressentir une vie accomplie ? »

C’est seulement lorsqu’une personne est consciente de la vie qu’elle veut vivre et du sens qu’elle veut lui donner qu’elle peut faire des choix existentiels en connaissance de cause. On comprendra sans peine qu’il s’agisse d’un travail à effectuer sans hâte et dans le calme. Kierkegaard ne disait-il pas : « Voyageur pressé, passe ton chemin ! »

Dans le texte ci-dessous, j’ai voulu représenter par un dialogue cette pensée de la nécessité de vivre une vie qui ait un sens réel pour soi. L’absence d’un sens fort à l’existence nous amène à devenir passif et à subir notre existence, quelquefois de façon tragique. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour le reconnaître et redonner un sens positif à notre vie.

Je vous laisse apprécier ce dialogue imaginaire entre un philosophe et une femme perdue dans sa souffrance.

DIALOGUE entre Mr SOCRATES, philosophe et Mme ALGOS.

Madame Algos:

Bonjour Monsieur Socrates,

Une amie m’a conseillé de venir vous voir, j’étais un peu étonnée qu’elle m’envoie vers un philosophe. J’ai déjà essayé tellement de traitements sans succès et vu tellement de thérapeutes que je suis découragée. Je ne comprends pas très bien comment vous pourriez m’aider à gérer mes douleurs.

Mr Socrates :.

Je vous accorde que cela peut paraitre étrange.

Savez-vous que pour le philosophe, la plus grande souffrance ou douleur qui transcende toutes les autres est celle consécutive à un profond manque de sens de sa vie. On peut avoir une vie pleine, sans pour autant qu’aucun des éléments dont elle est faite ne parvienne à accéder à un sens satisfaisant de l’existence.

Chez vous j’ai bien compris qu’actuellement la douleur prend une grande place dans votre existence, toutefois j’aimerais vous inviter à réfléchir si dans votre vie à certains moments vous ne pensez plus à votre douleur,

Existent-ils des activités, des passions qui donnent un sens à votre vie et qui vous permettent de relativiser et de relayer au second plan cette douleur ?

Comment serait votre vie si cette douleur disparaissait complètement ? Auriez-vous une vie satisfaisante pleine de sens ?

Madame Algos

Votre discours me déroute vraiment. Vous parlez du sens de l’existence, et cela résonne de façon douloureuse à mes oreilles. Depuis la mort de mon mari, et le départ de mes enfants, je suis bien seule, quelquefois mes seules distractions sont de visiter les thérapeutes. Mes douleurs sont devenues ma principale source de discussion et  plus aucune activité ne me semble vraiment plaisante avec ces douleurs permanentes. Cher Monsieur, expliquez-moi comment redonner un sens à sa vie si cette vie n’est que douleurs ?

Mr Socrates

En fait vous me paraissez avoir compris la teneur de mes propos,

En effet, vous me parlez clairement de ce qui constituait du sens à votre existence : votre mari et vos enfants. La perte de ces êtres chers a  semble-t-il créé un vide dans votre existence.  J’ai besoin pour progresser dans notre dialogue de mieux comprendre la teneur exacte de vos relations avec votre mari et vos enfants. Je vous prie  d’avoir le courage de prendre conscience des émotions et des sentiments lorsque vous songez à eux et de ne pas hésiter à ressentir des sentiments contradictoires pouvant comprendre des appréciations enjolivées ou des dépréciations.

Mme Algos 

Avec mon mari, nous avons vécu 40 ans ensemble, il a été mon compagnon de vie et mon soutien durant tout ce temps-là.

Mr Socrates

En dépit de l’importance légitime que votre mari et vos enfants avaient pour vous, je vais vous dire quelque chose qui va vous choquer mais qui peut nous aider à avancer.

Vous n’ignorez pas que dès qu’une personne disparait, ou simplement est longtemps absente, on a tendance à l’idéaliser. Cela ne remet nullement en cause l’importance cruciale que revêt un conjoint ; cette relativisation éventuelle de votre relation à votre mari ne vise nullement à la dévaloriser, simplement à vous permettre de ne pas rester bloquée dans une situation définitivement passée, du fait que vous avez comme tout le monde une tendance à ne retenir du passé que les bons moments.

Pour s’affranchir quelquefois d’un passé idyllique, il est nécessaire  de voir cette relation le plus objectivement possible sans omettre ce qui ne  fut pas toujours agréable ; cela pourrait vous permettre d’envisager un avenir qui, sans être davantage idyllique, serait l’occasion de réaliser, de vivre des choses qui manquaient peut être dans votre ancienne relation. Tout cela est délicat et ne met nullement en cause la personne qu’était votre mari mais votre SEULE relation, ce qui est une toute autre chose celle d’être consciente des avantages tout comme des manques dans cette relation.

Mme Algos

Bien que je comprenne ce que vous dites, j’ai bien de la peine à croire que ce retour sur le passé puisse avoir un quelconque effet sur mon vrai problème ; à savoir des douleurs qui n’en finissent pas et apparemment sans remèdes.

Mr Socrates :

Votre situation est la suivante : il existe un cercle infernal entre votre désarroi et vos douleurs ; chacun des deux termes de ce cercle agissant réciproquement sur l’autre ; or agir sur les douleurs en y recherchant l’origine physiologique  s’est soldé par un échec.

Je vous propose donc d’examiner l’hypothèse restante : votre profond mal-être serait à l’origine de vos douleurs. Ce mal-être serait lié à une perte de sens de votre existence car vous auriez perdu tout point de repère.

Si on parvient, par un retour sur votre passé, à évaluer ce qui faisait sens à cette époque, on pourrait vous proposer  de prendre en considération d’autres sens possibles, qui étaient peut être déjà présents sans que vous vous en rendiez compte.

Mme Algos

Et vous pensez que de substituer un sens à la vie qui n’existe plus par un autre va me débarrasser de ces douleurs ? Ça ressemble à un miracle.

Mr Socrates :

Il est vrai que communément, nous admettons tous que des douleurs ont une origine soit physiologique soit psychologique, mais sûrement pas philosophique, de sorte que votre réaction est légitime.

Il me semble qu’il y a une remarquable analogie entre le caractère confus de vos douleurs et la confusion qui caractérise votre existence actuelle.

Je vous propose de sortir de votre confusion existentielle car en tant que philosophe, j’ai la conviction que si vous pouviez, avec une clarté intellectuelle, faire la lumière sur votre existence, cela aurait la même vertu psychosomatique que cette fameuse luminothérapie dont on parle tant à juste titre.

Mme Algos :

Ça je vous l’accorde ! Je suis en pleine confusion ! Y voir clair me ferait du bien ! Mais …….de là à me débarrasser d’un corps douloureux …… Je suis sceptique.

Mr Socrates :

Je crois qu’il faut aller doucement, car vous venez à l’instant de franchir un pas crucial en admettant que la compréhension, celle de son existence, n’est pas un luxe superflu.

« La misère est moins grande au soleil » dit une chanson. Si vos douleurs, qui constituent votre misère actuelle, pouvaient devenir plus vivables du simple fait que vous êtes accaparée par la lumière faite sur votre vie passée, présente et à venir, vous auriez accompli un progrès extraordinaire.

Mme Algos :

Ça je dois dire qu’au point où j’en suis, envisager une nette atténuation des douleurs, et surtout ne plus être obsédée par celles-ci, être capable de penser à autre chose, ce serait déjà pour moi inespéré !

Mr Socrates

Et voila qu’à nouveau, de vous-mêmes, vous avez trouvé les mots justes : PENSER A AUTRE CHOSE ! ! J’ai l‘impression que l’on s’engage sur une voie PROMETTEUSE ! !

Bien que nous ignorions et sa longueur  et son aboutissement.

Mme Algos

Ma foi, essayons déjà d’y voir clair sur mon passé !

Mr Socrates :

Oui, essayons de comprendre un peu votre vie passée et par la même occasion l’état psychique que fut le vôtre, ou plutôt vos états psychiques, le pluriel étant mieux indiqué.

Mme Algos

Ah oui ! Cela paraît intéressant pour moi de me remémorer le climat dans lequel je baignais à l’époque.

Mr Socrates

Ah oui ? Et pourquoi donc ?

Mme Algos

Et bien je dois avouer, que s’il est vrai qu’en ce moment je suis tout en bas, ce n’était quand même pas le paradis auparavant.

Mr Socrates :

C’est-à-dire ?

Mme Algos :

En fait, toute proportion gardée, ces mots de dépit et de douleurs que vous avez choisi pour résumer mon présent, ne sont pas absents de mon passé. Je dirais que j’ai toujours été sujette à fluctuations aussi bien psychiquement que physiquement. J’ai accepté de vivre avec, sans chercher de causes à cela, parce que j’estimais que c’était supportable. Alors que maintenant ……….

Mr Socrates :

Oserons-nous dire alors, que vous supportiez votre existence ?

Mme Algos :

Il est vrai que de temps à autre je vivais ces fluctuations de cette façon-là, bien que pourtant j’aie connu de très bons moments qui me permettaient de chasser cette idée.

Mr Socrates :

Il ne semble donc pas que vos moments moroses aient été liés à des problèmes très précis ?

Mme Algos :

Non c’était confus comme vous dites….. Un sentiment d’insatisfaction  m’envahissait, mais je m’en voulais d’être dans cet état car je n’avais pas de quoi me plaindre à l’époque.

Mr Socrates

Ah là ça devient très intéressant !! Vous auriez eu une vie satisfaisante tout en étant insatisfaite ??? Qu’en pensez-vous ?

Mme Algos :

Oh, je me suis demandé parfois si ma vie était vraiment irréprochable !!! Mais ça m’agaçait de remettre cela en cause. Et puis mes états d’âme étaient tellement confus que d’établir des liens aussi directs avec ma vie me paraissait ridicule

Mr Socrates :

En définitive, il semble bien que votre mal-être actuel, tout comme vos douleurs, constituent une nette aggravation d’une tendance que vous repérez dans votre passé ?

Mme Algos :

Tout à fait.

Mr Socrates :

En fait, si indéniablement votre passé récent est cause de votre net effondrement, perte d’un mari, enfants absents, vous ne diriez pas que ce passé était paradisiaque ?…

Mme Algos :

Je commence à me demander même, si le fait que j’étais entourée affectivement ne m’a pas aidé à faire l’impasse sur une insatisfaction confuse et ancienne, sans parler de la discipline quotidienne qu’impose le fait  d’avoir une famille.

Mr Socrates :

Mais maintenant avec le recul, pensez-vous que vous aviez davantage que de l’affectif ?? Disons le mot, pour aller vite : une vie passionnante ?

Mme Algos :

Non, bien sûr ! Sans doute beaucoup plus intéressante que ce que j’ai connu auparavant, plus épanouissante….. En tout cas suffisamment pour que j’ai pu accepter un vague mal-être, des douleurs occasionnelles sans réfléchir sur le sens de mon existence.

Mr Socrates :

Et n’avez-vous pas l’impression maintenant, qu’il serait temps de profiter cette fois, d’un vide authentique, pour regarder les choses en face ?

Mme Algos :

Sans doute, mais croyez-vous que cela puisse me faire du bien pour  faire face à un vide présent, de constater le vide relatif que fut ma vie passée, car je crois de mieux en mieux comprendre ou vous voulez en venir ; par contre, maintenant, je doute d’autre chose ….. Je veux dire qu’en supposant qu’être possesseur d’un véritable sens à l’existence ait une valeur thérapeutique, je me demande s’il n’est pas trop tard pour m’y mettre maintenant ?

Mr Socrates :

Là je vais me permettre de citer Epicure sans pédanterie : « Il n’est jamais ni trop tôt ni trop tard pour philosopher, s’il y va du bien-être de son âme. »

Et permettez-moi d’ajouter s’il y va aussi du bien-être de son corps…

Mr Thierry GAZAN

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