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Introduction

La prise d’antioxydants nous protège-t-elle réellement des maladies? La théorie des antioxydants soutient que de nombreuses maladies telles que le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou le cancer sont en partie liées à des dégâts causés aux tissus par des radicaux libres, qui heureusement sont neutralisés par les antioxydants, soit alimentaires soit en compléments. Les chercheurs se basent sur la publication de nombreuses études qui ont montré que les personnes qui consomment régulièrement des fruits et légumes sont moins prédisposées à souffrir de maladies dégénératives. L’explication serait due à l’effet protecteur des antioxydants contenus dans ces aliments. Toutefois, lorsqu’on isole les antioxydants tels que les vitamines C, E et A et qu’on évalue leur efficacité sur la prévention des maladies, on n’observe pas d’effet probant. Au contraire, certains antioxydants, dans certaines conditions, semblent être même dangereux pour la santé, pouvant même augmenter le risque de cancer. En effet, cela a été démontré dans plusieurs grandes études randomisées de prévention du cancer. Par exemple des études ont montré que la prise de bêta-carotène augmente le risque de cancer du poumon chez les fumeurs, la prise de vitamine E ou de sélénium peut augmenter le risque de cancer de la prostate (1) etc. À l’inverse, la consommation de fruits et végétaux a clairement un effet protecteur sur les cancers (2). Si la prise d’antioxydants sous forme de compléments ne paraît pas si efficace, alors d’où vient l’effet bénéfique et protecteur des fruits et légumes ?

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts

Récemment, des chercheurs émettent l’hypothèse que ce qui nous protège ne provient pas de l’apport de substances protectrices comme les antioxydants, mais que la solution provient de nos cellules. Celles-ci  lorsqu’elles subissent un stress modéré, elles engendrent spontanément des enzymes antioxydantes via l’activation de notre ADN. Il s’agit du concept de hormèse. Ce terme fait référence au fait que lors de l’exposition avec quelque chose qui nous agresse (par exemple : des radicaux libres), nos cellules et notre organisme déclenchent des réactions d’adaptation qui les rendent plus fortes. Ces adaptations se font fréquemment au niveau des mitochondries, raison pour laquelle on parle de mitohormèse (3,4). Une de ces adaptations intracellulaires passe par une protéine appelée Nrf2 (5) qui a la capacité de stimuler l’hormèse. En effet, lorsque le corps est soumis à un stress oxydatif, il active une protéine intra-cellulaire nommée Nrf2. Cette protéine de transcription active notre ADN afin de stimuler la production d’antioxydants parmi les plus puissants de l’organisme, comme le glutathion, ainsi que des enzymes détoxifiantes. Ces dernières années, la recherche a démontré par de nombreuses publications que lorsque nous jeûnons ou nous pratiquons une activité physique régulière, notre capacité à résister au stress oxydatif dû aux radicaux libres est nettement renforcée, ceci grâce à des adaptations hormétiques telles que le Nrf2 ou d’autres systèmes d’adaptation. L’impact des antioxydants par l’alimentation ou des compléments reste dérisoire par rapport à ces capacités d’adaptation cellulaire.

Le jeûne et la restriction calorique

Savez-vous qu’au niveau scientifique, le jeûne ou la restriction calorique est l’approche qui a largement démontré la meilleure efficacité pour réduire le risque de nombreuses maladies de civilisation et augmenter l’espérance de vie ? Cela a été démontré chez de nombreuses espèces animales. Chez l’homme, la restriction calorique a montré également une diminution des maladies liées au vieillissement incluant le cancer, les maladies cardio-vasculaires ou le diabète de type 2 (6,8). Une explication de cet effet protecteur provient de l’adaptation cellulaire en réaction au stress provoqué par la diminution des apports caloriques (8).  Le corps lors d’une restriction calorique augmente ces capacités de régénération. Toutefois, la persistance d’une restriction alimentaire finit par affaiblir l’organisme et surtout ralentir le métabolisme qui va s’adapter à cette réduction calorique. Pour pallier à ces effets délétères, il est préférable de réduire ponctuellement, dans le temps, les apports caloriques, afin de maintenir tous les effets positifs de régénération cellulaire. Pour cela, il existe la possibilité de faire un jeûne thérapeutique, un jeûne intermittent (9) ou à des diètes hypocaloriques momentanées sur quelques jours comme le « fasting mimicking diet » (10) qui a été discuté dans un article récent.

L’activité physique

Nous savons que l’inactivité physique favorise de nombreuses maladies comme l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, le diabète de type 2 ou le cancer (11). Une activité physique régulière amène de nombreux bénéfices sur la santé et la prévention de nombreuses maladies (12). L’exercice augmente l’activité de nos mitochondries et et notre métabolisme oxydatif ainsi qu’il augmente les capacités cellulaires à gérer les radicaux libres (13). Lors d’exercice physique, la prise de compléments alimentaires à base d’antioxydants reste souvent inefficace et pourrait même être contre-productive dans l’adaptation au sport. En effet, ces suppléments pourraient inhiber la réponse naturelle au stress du corps. Ainsi, une étude de 2009 a comparé la santé de deux groupes d’individus soumis à une activité physique régulière et dont un groupe prenait régulièrement des antioxydants et pas l’autre. Les chercheurs n’ont pas constaté d’amélioration de la régulation de certains facteurs de santé chez ceux qui prenaient des antioxydants, contrairement aux résultats de l’autre groupe. Cette étude pourrait suggérer que les compléments antioxydants annihilent les effets de l’exercice physique sur la santé en empêchant l’hormèse (13,14).

Effets des fruits et légumes sur la santé

En fait, de nombreux chercheurs tels que le Dr Mark Mattson (directeur du laboratoire de neurosciences de l’institut américain sur le vieillissement) pensent que l’effet le plus important des végétaux ne viendrait pas de sa richesse en vitamines ou antioxydants, mais par la présence de molécules produites par les plantes pour se défendre contre ceux qui les mangent (sorte de pesticides naturels). Lorsque nous mangeons certaines plantes, nous ingérons ces molécules en petites quantités. Ces substances produisent un léger stress au sein des cellules de notre organisme. Après des milliers d’années, notre organisme s’est adapté à la plus part de ces substances en partie toxique. Actuellement, les plantes ne provoquent qu’un stress modéré qui ne tue pas nos cellules, mais au contraire les rend plus fortes et leur donne une plus grande capacité à s’adapter aux radicaux libres en activant différentes voies métaboliques (15,16).

Ce processus serait à l’origine des bienfaits de la consommation des fruits et légumes sur la santé. Ainsi, par exemple, le curcuma n’agirait pas directement en neutralisant les radicaux libres, mais en stimulant par réaction des enzymes pour aider les cellules à se protéger contre les agresseurs. Quand nos cellules sont exposées à des substances comme le curcuma (17) ou le sulforaphane du brocoli (18), par réaction des systèmes d’adaptation cellulaire vont activer des gènes codant pour des enzymes détoxifiantes et antioxydantes. Il existe de nombreuses voies clés de la défense cellulaire qui peuvent impliquer des familles de protéines, comme le Nrf2 ou comme autre exemple,  les sirtuines. Certaines de ces sirtuines (SIRT1) ont la capacité d’augmenter la durée de vie des organismes. Ainsi le resvératrol, que l’on trouve dans le raisin noir et le vin, a la capacité d’activer SIRT1 (19) déclenchant de multiples voies chimiques responsables d’effets protecteurs hormétiques. De tels composés sont omniprésents dans les fruits et légumes.

En conclusion

Les études actuelles accusent les radicaux libres de jouer un rôle déterminant dans de nombreuses maladies chroniques comme le diabète, le cancer ou les maladies cardio-vasculaires. Selon les chercheurs, les dommages causés par l’oxydation sont la cible que l’on doit viser si l’on veut ralentir ou éviter ces maladies. Toutefois, les antioxydants amenés par les compléments alimentaires ont un impact protecteur plutôt décevant. L’effet protecteur majeur semble provenir de nos cellules qui lors de certains stress modérés engendrent de puissantes molécules antioxydantes.

On peut dès lors se poser la question sur l’intérêt de la prise régulière de vitamines antioxydantes (A, E, C etc.) qui pourrait être même néfaste pour notre santé et empêcher des effets protecteurs d’adaptation cellulaire (hormèse). Nous avons décrit ci-dessus les stratégies réelles pour améliorer nos propres capacités d’adaptation antioxydante et nous rendre plus forts face aux maladies. Pou résumé ces stratégies, il s’agit avant tout :

  • d’avoir une alimentation bio riche en fruits, légumes et en épices (curcuma, gingembre, etc.).
  • de faire épisodiquement un jeûne court ou de pratiquer régulièrement le jeûne intermittent. Si le jeûne ne vous tente pas, il faut au moins favoriser des périodes de restriction calorique.
  • de pratiquer une activité physique régulière et soutenue (sans excès) (2 à 3 x par semaine maximum) intercalée de jours de récupération.
  • La question se pose concernant l’utilité des compléments alimentaires. Si l’on ne peux pas retenir d’indication à prendre certaines vitamines antioxydantes, on peut toutefois se poser la question de prendre en compléments certains polyphénols connus pour leur capacité à activer nos propres systèmes antioxydants, il s’agit de phytonutriments dont les plus étudiés sont la curcumine, le resvératrol, le sulforaphane ou les extraits de thé vert. Ces polyphénols ont la capacité entre autre d’activer le système protecteur Nrf2.

Références :

  1. Harvie M « Nutritionnalsupplements and cancer : potentialbenefits and provenharms » Am Soc Clin OncolEduc Book 2014
  2. Sharek M « Inverse association betweendietaryintake of selectedcarotenoids and vitamoin C and risk of lung cancer » Front Oncol 2017 Feb 28 ;7 :23
  3. Michael Ristow «  Mitohormesis : promotinghealth and lifespan by increasedlevels of reaciveoxygenspecies » Dose-Reponse 2014 jan 31 ;12(2) :288-341
  4. Yun J « Mitohormesis » CellMetab 2014 May 6 ;19(5) :757-66
  5. KiraHolmstrom « the multifacetedrole of Nrf2 in mitochondriafunction » Current Opinion in toxicology 2016, 1 :80-91
  6. Li C « Effects of a one weekfastingtherapy in patients with type 2 diabetesmellitus and metabolicsysndrome- a randomizedcontrolledexplorativestudy » Exp Clin EndocrinolDiabetes 2017 Apr 13
  7. Cathart P « Fasting : starving cancer » Lancet oncol 2017 Apr ;18 :431
  8. Yamamoto J « Differential adaptative responses to 1 or 2 daysfasting in various mouse tissues revealed by quantitative PCR analysis » FEBS Open Bio 2015 Apr 24 ;5 :357-68
  9. Mattson MP « Impact of intermittent fasting on health and diseaseprocesses » AgeingResRev 2016 Oct 31
  10. Wei M  « Fasting-mimickingdiet and markers riskfactors for aging, diabetes, cancer and cardio-vasculardisease » SciTransl Med 2017 Feb 15 ;9(377)
  11. Frank W. Booth « Lack of exerciseis a major cause of chronicdiseases » ComprPhysiol 2012 Apr ;2(2) :1143-1211
  12. NuriaGaratachea « Exerciseattenuates the major hallmarks of aging » RejuvenationREs. 2015 Feb 1 ;18 :57-89
  13. Done AJ « Nrf2 mediates redox adaptations to exercise » Redox Biol 2016 Dec ;10 :191-199
  14. Merry TL « Mitohormesis in exercise training » Free RadicBiol Med 2016 Sep ;98 :123-30
  15. Murugaiyah V « Neurohormeticphytochemicals : an evolutionary-bioenergetic perspective » Neurochem Int 2015 Oct ;89 :271-80
  16. Fang EF « Tomatidineenhanceslifespan and health in C. elegansthroughmitophygy induction via the SKN-Nrf2 pathway » SciRep 2017 Apr11 ;7 ;46208
  17. Tu ZS « Design synthesis and evaluation of curcuminderivatives as Nrf2 activators and cytoprotectorsagainst oxydative death » Eur J Med Chem 2017 Apr 5 ;134 :72-85
  18. Russo « Nrf2 targeting by sulforaphane a potentialtherapy for cancer treatment » CritRev Food SciNutr 2016. 1259983
  19. Erdogan CS « Sirtuin 1 independenteffects of resveratrol in INS-1 beta-cells » ChemBiolInteract 2017 Feb 25 ;264 :52-60

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Robert
6 années il y a

Bravo pour ce blog très intéressant.

Florian Lochet
Florian Lochet
6 années il y a

Bonjour, c’est un très bon article et qui je pense n’est pas dans le faux. Malgré tout je pense qu’il ne faut pas amalgamer les compléments synthétiques et naturel. Par exemple la vitamine A synthétique commence à montrée des effets délétère à 20000 ui en quelques semaines alors que la vitamine A naturelle retrouver dans les aliments à des effets délétère à partir 100000 ui et seulement sur plusieurs années. Je pense que c’est parce que il n y a pas qu’une seul vitamine A mais aussi des esters etc… Et pas seulement une seule forme comme dans les compléments synthétiques. Pareil pour les autres vitamines.

augmentation mammaire
4 années il y a

merci pour ces informations super utiles

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