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Pour la première fois un test diagnostic, est-ce une révolution ?

De nombreuses personnes commencent à souffrir d’un syndrome du côlon irritable suite à une gastro-entérite ou un empoisonnement alimentaire. Nous avons vu dans un article précédent qu’un certain nombre de germes peuvent favoriser un syndrome du côlon irritable (Campylobacterjejuni, Shigella, etc.) bien que par la suite, les symptômes persistent malgré la disparition des germes. On connaît depuis un certain temps la notion de côlon irritable post-infectieux. Grâce aux travaux du Dr Pimentel, nous comprenons mieux les mécanismes qui induisent l’apparition du côlon irritable post-infectieux.

En effet, lorsque nous souffrons d’une gastro-entérite ou d’un empoisonnement alimentaire, la plupart des bactéries pathogènes ont la possibilité de sécréter une toxine appelée CDT (cytholetal distending toxin). Cette toxine va altérer le complexe moteur migratoire (CMM) qui permet le mouvement des vagues de nettoyage naturel de nos intestins. Une partie de cette toxine appelée B ressemble étrangement à une de nos protéines qui joue un rôle important dans l’activation du système moteur intestinal. Notre système immunitaire, en s’attaquant à cette toxine, va générer par confusion (mimétisme moléculaire) des anticorps contre notre complexe moteur migratoire. Il s’agit d’un processus auto-immun déclenché en raison de la similitude entre la toxine et la protéine activant nos cellules nerveuses intestinales. À la longue, nos cellules nerveuses intestinales vont fonctionner de moins en moins bien. C’est en raison du ralentissement du péristaltisme intestinal qu’une pullulation bactérienne (sibo) peut se développer  et favoriser les symptômes du côlon irritable (ballonnements, gaz, diarrhées, etc.). (2)

Certains spécialistes, comme le Dr Pimmentel, pensent qu’une gastroentérite ou un empoisonnement alimentaire est responsable chez une majorité de personnes de l’apparition d’un côlon irritable. C’est pour cela qu’un nouveau test a été mis au point récemment pour évaluer un côlon irritable post-infectieux, cela même si la gastro-entérite a eu lieu il y a 15 ans. Ce test s’appelle le IBSchek test (1,2). Il s’agit d’un test sanguin qui recherche les anticorps contre la toxine CDT-B et la protéine qui activent nos cellules nerveuses, appelé vinculine.

Le test IBScheck

Le test IBSchek est un test ELISA breveté, basé sur 2 biomarqueurs sériques validés (anti-CdtB et anti-vinculine) avec une spécificité prouvée de plus de 90 % pour le diagnostic du colon irritable post-infectieux. En suisse, ce test est accessible depuis mi-juin 2017 auprès du laboratoire UNILABS. Il coûte 260 CHF dont 116 CHF sont remboursables.

Utilité du IBScheck

L’intérêt principal de ce test est qu’il permet de préciser éventuellement une origine post-infectieuse du côlon irritable. Cela ne va pas fondamentalement modifier la prise en charge du côlon irritable puisque d’un point de vue thérapeutique, c’est surtout la gestion de la pullulation bactérienne (SIBO) qui est la cible principale de la prise en charge. Toutefois, on peut trouver au moins 3 raisons qui peuvent justifier ce test.

  1. Premièrement, un test positif permet à la personne qui souffre de côlon irritable d’avoir finalement une explication à ses troubles et de se mettre en paix avec elle-même.
  2. Si le test est positif, cela permet d’exclure d’autres origines pouvant mimer un côlon irritable (maladie inflammatoire de l’intestin, parasites, etc..).
  3. Troisièmement, un test positif indique indirectement un dysfonctionnement du complexe moteur migratoire. D’un point de vue thérapeutique, cela implique qu’après avoir traité une éventuelle pullulation bactérienne avec une diète spécifique (diète FODMAP) et des composés antibactériens (plantes antimicrobiennes, rifaximin) (3), il est par la suite nécessaire de donner quelque chose qui stimule le péristaltisme pour que la pullulation bactérienne ne se réinstalle pas dans le temps. En effet, dans le côlon irritable post-infectieux, une dysfonction du complexe moteur migratoire fait que l’intestin a de la peine à déplacer efficacement la nourriture ce qui permet aux bactéries intestinales de se multiplier. Ce problème de motricité de l’intestin est permanent et il est dès lors nécessaire, une fois le traitement d’assainissement terminé (FODMAP, stratégies antibactériennes) d’éviter la récidive grâce à la prise d’une substance stimulant la motricité de l’intestin (prokinétique). Il existe sur le marché des médicaments qui ont un effet sur la stimulation de la motilité gastro-intestinal. Par exemple, le Prucalopride a une haute affinité sur les récepteurs 5-HT4 permettant de stimuler les mouvements coloniques (4). Bien que ce médicament puisse être efficace sur le péristaltisme, il n’est pas dénué d’effets secondaires (céphalées, nausées, crampes, etc.). Il est préférable d’essayer en premier lieu des approches plus naturelles telles que l’Iberogast (5) ou le gingembre. Certaines études ont montré également que la prise de certains probiotiques (6) augmentait la vitesse et la force de contraction de l’intestin grêle pouvant ainsi aider à réduire la pullulation bactérienne. Toutefois de nombreuses personnes souffrant de SIBO tolèrent mal les probiotiques. Le seul moyen est d’essayer sa tolérance aux probiotiques. Si leur prise aggrave les symptômes, mieux vaut les éviter dans un premier temps.

Références

  1. Kim JH « Biomarkers of irritable Bowel Syndrome » J NeurogastroenterolMotil. 2017 Jan 30 ;23(1) :20-26
  2. Pimentel M « Development and validation of a biomarker for diarrhea-predominant irritable bowel syndrome in humansubjects » PLoS One 2015 May 13 ;10(5)
  3. V. Chedid « «  Herbal Therapy is Equivalent to Rifaximin for the treatment of small intestinal bacterial Overgrowth » Global Advances in Health and Medecine. Vol 3, number 3, May 2014
  4. Tse Y, « TreatmentAlgorithm for ChronicIdiopathic Constipation and Constipation-Predominant Irritable Bowel Syndrome Derivedfrom a Canadian National Survey and NeedsAssessment on Choices of Therapeutic Agents » Can J GAstroenterolHepatol 2017 :861289
  5. Krueger D « The nulti-herbal drug STW 5 (Iberogast) has prosecretory action in the human intestine » Neurogastroenterol Motil 2009 Nov 21(11) :1203
  6. Dalziel JE « Promobility Action of the probiotic Bifidobacterium lactis HNO19 Extract Compared with Prucalopride in isolated rat large intestine » Front Neurosci. 2017 Jan 26 ;11 :20

Une cause trop souvent méconnue du côlon irritable avec diarrhée : le BAM

Ces dernières années, plusieurs études médicales estiment qu’environ 25 % à 30 % des personnes souffrant d’un côlon irritable, avec diarrhées, auraient en fait une malabsorption des sels biliaires appelée BAM (bile acid malabsorption)(1). Ces personnes se présentent souvent avec des douleurs abdominales, des diarrhées avec sentiment d’urgence, voire des sentiments d’incontinence fécale. Il s’agit d’un diagnostic encore peu connu par les médecins. Ainsi, dans une enquête récente en Angleterre, les gens présentant une malabsorption des sels biliaires ont souffert en moyenne 5 ans avant que l’on pose ce diagnostic (2). En pratique clinique, ces symptômes se retrouvent plus fréquemment chez les personnes ayant subi une cholécystectomie, même des années après l’opération.

Pour comprendre cela, il faut revoir un peu le fonctionnement du système hépatobiliaire. Les sels biliaires sont produits par le foie et concentrés dans la vésicule biliaire. Ensuite, ils sont libérés dans l’intestin grêle afin de permettre une meilleure digestion des graisses. Par la suite, 95 % de ces sels biliaires sont réabsorbés dans la partie distale de l’intestin grêle (iléon) et remis en circulation. Il s’agit du cycle entéro-hépatique des sels biliaires.

Une partie des gens souffrant de diarrhées ont une déficience de ce système de régulation. Ainsi, les sels biliaires non réabsorbés par l’intestin grêle finissent dans le gros intestin provoquant des diarrhées. Une étude récente a confirmé une altération de ce système chez les personnes souffrant de côlon irritable avec diarrhées (3).

Il existe des méthodes d’investigations pour rechercher ce problème, mais la plupart de ces tests ne sont pas accessibles facilement. En effet, on peut rechercher une malabsorption des sels biliaires avec un test radio-pharmacologique, le SeHCAT, qui permet d’évaluer la circulation entéro-hépatique des sels biliaires. D’autres tests sont en cours d’évaluation (dosage du FGF-19 ou du sérum C4). On peut également faire des mesures fécales des acides biliaires. Toutefois, le plus simple reste de faire un essai thérapeutique avec un chélateur de sels biliaires tels que la cholestyramine (par exemple 4 gr 2x par jour). Une nette amélioration des diarrhées permet de confirmer ce diagnostic. Toutefois, avant d’envisager ce type de produit au long court, il est préférable de commencer par des mesures diététiques (fibres solubles telles que le psyllium, etc.). En effet, il faut savoir que la cholestyramine n’est pas toujours bien tolérée au moins chez 20 à 30 % des personnes (inconfort abdominal, goût pas plaisant, etc.). Le colesevelam est une nouvelle génération de chélateur qui est mieux toléré, mais plus coûteux. Il est commercialisé sous le nom de Cholestagel et son indication principale est l’hypercholestérolémie primaire toutefois les études montrent son intérêt dans le BAM.

Références

  1. Camilleri M « Bile aciddiarrhea : prevalence, pathogenesis and therapy » Gut Liver 2015 23 ;9 :332-9
  2. Bannaga A « How badis bile aciddiarrhoea: an online survey of patient-reportedsymptoms and outcomes. » BMJ Open Gastroenterol 2017 Jan 19 ;4(1)
  3. Peleman C « Colonic Transit and Bile AcidSynthesis or Excretion in Patients With Irritable Bowel Syndrome-DiarrheaWithout Bile Acid Malabsorption. » ClinGastroenterolHepatol 2017 May ;15(5) :720-727

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13 Commentaires
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Linda
6 années il y a

Très grand merci, votre blog est très intéressant 🙂

Fabienne
Fabienne
4 années il y a

Bonjour Docteur,
J’habite au Québec et j’aimerai savoir si vous pouviez me donner les coordonnées de quelqu’un qui travaille comme vous.
Merci et bonne journée.

Marc
Marc
4 années il y a

Bonjour Docteur,

Savez-vous si l’on peut faire le test IBSCHECK en France ? Il semblerait qu’à mon grand regret qu’Unilabs France ne le fasse pas.

Merci,

excellente journée.

franquet
franquet
4 années il y a

Bonjour, comment est il possible de fermenter à jeune? Cette fermentation est-elle plus agressive?

zd
zd
4 années il y a
Répondre à  Dr. A. D'Oro

bonjour
des borborygmes ,à jeun & pas à jeun, localisés surtout estomac & haut & bas du colon descendant(pas trop grêle) , sont signes de fermentation? H2? signe de crohn?

Zd
Zd
4 années il y a
Répondre à  Dr. A. D'Oro

quels autres souhaitez vous connaitre?

Zd
Zd
4 années il y a
Répondre à  Dr. A. D'Oro

OK; avez-vous eu des patients ayant des douleurs région gauche estomac/coeur/cotes limite dos/sternum , suite à une fibroscopie?

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