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L’émotivité, un atout féminin incompris

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Introduction

L’émotivité, voilà ce dont on a le droit de parler sans honte en occident depuis peu de temps : tout au plus une quarantaine d’années, bien que le terrain fut préparé par Freud dès la fin du 19ème siècle.

De nombreux philosophes ont su souligner la cruciale importance de l’émotion en tant que marque d’humanité. L’instinct de survie serait parfaitement inopérant sans émotion visant à signaler un danger. En effet, la morale conçue par les philosophes a toujours été fondée sur des émotions telles que la pitié, ou l’indignation voire même la colère. De plus, sans une émotion de nature esthétique supposant de la part d’un individu une hypersensibilité, comment concevoir cette efflorescence de toutes les formes d’art que nous connaissons ?

Malgré tout cela, traditionnellement, ce sont les considérations péjoratives qui ont pesé du poids le plus lourd. L’émotivité est conçue comme une émotion passive que nous subissons malgré nous. C’est cette idée de passivité du sujet à l’égard de ses émotions qui va conduire à leur condamnation. L’émotif est souvent représenté comme l’individu malheureux par excellence, subissant tous les aléas de l’existence sous la forme d’émotions l’empêchant de réagir. Jouet de sa propre sensibilité, on le considère en état de perdition continuel ; incapable de s’orienter dans un réel qui ne fait que l’accabler par l’intermédiaire de ses réactions émotives.

Par conséquent, comment s’étonner actuellement que malgré l’autorisation à montrer ses émotions, cela s’accompagne toujours d’un regard répréhensible à l’égard de ceux qui sont les plus susceptibles de réagir émotivement à l‘existence ? Je veux dire : les femmes. Il est vrai que souvent la femme est sujette à beaucoup plus d’émotions qu’un homme et elles sont souvent plus intenses. Or, il semble bien que ce soit à  l’égard des femmes, que la conception péjorative des émotions l’emporte.

Cela se traduit en médecine par le fait qu’on envisage peut-être trop rapidement l’utilisation d’une médication anxiolytique ou d’antidépresseurs dès qu’une femme paraît être victime de son émotivité. Dans ce cas précis, l’émotivité est envisagée principalement d’un côté pathologique, en excluant sa simple et cruciale utilité. On refuse d’envisager que cette hypersensibilité peut être une source d’adaptation créative à un environnement hostile ou conflictuel. De nombreuses personnes affirmeront que cette sensibilité exacerbée, malgré ses avantages, est un empêchement à cette fameuse raison, sans lequel aucune action efficace et réfléchie n’est envisageable.

Or, la complexité et le caractère trépidant de la vie moderne exigent par-dessus tout du pragmatisme et du sang froid. Ce constat peut être expliqué par une société construite majoritairement par des hommes. Or, l‘homme a tendance à simplifier l’existence en l’érigeant en système, et pour ce faire rabote toutes les aspérités qui y sont inhérentes.

Toutefois, dans leur conception de l’existence, les femmes diffèrent des hommes. Elles ne sont pas satisfaites de la conception masculine de l’existence qui consiste à affirmer sa maîtrise de la vie en la simplifiant autoritairement. Et ceci parce que, pour elles, il est impossible de ne pas voir que la vie résiste à toute forme de simplification, que toutes les aspérités renaissent de leurs cendres spontanément. La femme voudrait bien ironiser sur notre rigidité dogmatique, mais elle ne parvient qu’à réagir par son émotivité à l’égard d’un monde viril qui ne rend pas justice au monde réel, qui selon elle, est tellement plus subtil et infini…

Dialogue philosophique

Voici le dialogue entre Anaxagore le philosophe et Traudel

Traudel : J’ai 40 ans et je vous consulte à propos d’un mal-être très particulier, du moins est-ce mon avis. J’ai le sentiment d’être perpétuellement stressée dans toutes mes activités : ce stress consiste à réagir d’une façon trop émotive aux situations stressantes ou conflictuelles. Par exemple, je pleure facilement, sans parler de tous mes états d’âme que tout le monde ignore. Un docteur m’a proposé des antidépresseurs. Je reconnais qu’ils ont produit un certain effet sur moi. Mais je n’en suis pas satisfaite, car ces médicaments m’anesthésient. Sous leur emprise, je me sens moins vivante, bien que je reconnaisse moins souffrir moralement.

Anaxagore : J’ai l’impression de saisir quelque chose d’important ; vous avez jugé inadmissible que ces antidépresseurs modifient votre personnalité ?

Traudel : Exactement.

Anaxagore : Par conséquent, on peut en déduire qu’en définitive vous pouvez vous supporter, et cela malgré ces émotions omniprésentes.

Traudel : C’est probable, bien que cela puisse paraître contradictoire de ma part.

Anaxagore : Ce n’est pas certain, mais je n’irai pas trop vite. Pourriez-vous préciser les circonstances dans lesquelles vous réagissez émotionnellement ?

Traudel : C’est le plus souvent lorsque l’on exige de moi de réagir rapidement dans l’urgence face à un problème. C’est aussi lorsque l’on me signale des contradictions ou des ambiguïtés dans mes arguments, sans réellement m’écouter, ou quand on me dit que je suis loin des réalités. J’ai l’impression que mon émotivité est considérée comme une faiblesse.

Anaxagore : Je note que vous avez utilisé le pronom indéfini on.

Traudel : C’est vrai, mais c’est parce que ce « on » concerne tous les secteurs de mon existence : au travail, en famille, avec les amis, face à certains films ou romans, ou certains faits d’actualité.

Anaxagore : Ces difficultés sont récentes ?

Traudel : Pas du tout. Dès mon enfance, j’y ai été confrontée avec mes parents, surtout mon père ainsi qu’à l’école.

Anaxagore : Je ressens une sorte de colère dans vos propos, comme si vous vous sentiez victime d’une sorte d’injustice.

Traudel : C’est tout à fait vrai et pourtant, en même temps, je reconnais qu’il y a de la pertinence dans les remarques que l’on me fait, mais en partie seulement.

Anaxagore : Même si l’on admet que les émotions font partie de votre personnalité, ne pensez-vous pas qu’elles sont très exacerbées par ce sentiment d’injustice ?

Traudel : Je n’avais jamais envisagé les choses ainsi et pourtant c’est convaincant.

Anaxagore : vous paraissez déchirée entre le fait de reconnaître la part de validité des reproches que l’on vous fait et la part de validité de votre propre façon de voir les choses que vous ne parvenez pas à faire valoir aux yeux des autres.

Traudel : Oui, c’est cela qui est terrible. Sentir que l’on n’a pas tort sans être capable de le prouver.

Anaxagore : Votre forte réactivité émotive pourrait résulter de cette incapacité à verbaliser.

Traudel : Vous avez bien compris ma problématique, mais je ne vois pas comment en sortir.

Anaxagore : Pourtant, on s’approche de quelque chose. Bien que vous ne parveniez pas à trouver les arguments en faveur de votre manière de voir les choses, vous pressentez que vos émotions sont l’expression de votre vérité intérieure.

Traudel : Oui, tout à fait.

Anaxagore : Mais alors d’où provient cette secrète conviction de votre légitimité ?

Traudel : C’est frustrant pour moi de l’ignorer.

Anaxagore : On va essayer de vous diriger vers l’origine de cette conviction. A chaque fois que l’on a rejeté vos points de vue à propos d’un problème précis, on vous a proposé toute autre chose qui vous a laissée insatisfaite.

Traudel : Oui, et cette insatisfaction se manifeste émotionnellement d’autant plus que je me sens obligée de suivre des directives qui me sont étrangères.

Anaxagore : Si en mathématiques, on vous démontrait votre erreur, et que l’on vous démontre le bon résultat, vous sentiriez-vous convaincue ?

Traudel : Oui, évidemment. Mais dans la vie, les choses sont moins carrées qu’en mathématiques.

Anaxagore : Les problèmes inhérents à l’existence sont beaucoup plus complexes. Il existe souvent plusieurs points de vue possibles, dont aucun ne peut l’emporter définitivement. Or, le plus souvent, qui résiste à cette représentation complexe et nuancée de la vie que vous voulez faire admettre ? Presque exclusivement des hommes.

En effet, ce qui caractérise cette façon masculine de résoudre les problèmes, n’est elle pas fondée sur la rapidité, la non-contradiction, la logique, la rigueur, la simplification, le définitif ?

Traudel : Vous avez trouvé les mots justes pour traduire ce qui me rebute dans ce qu’on m’oppose.

Anaxagore : Vos réactions émotionnelles proviennent de cette partie sensible et intuitive de votre être qui vous informe, à sa façon, que quelque chose est inadéquat dans ce que vous vivez ou que l’on veut vous faire vivre. C’est un atout important, une sorte de « sixième sens » Dès lors, ce dont vous souffrez ce n’est pas d’avoir des émotions désagréables, mais plutôt de réagir émotionnellement à un monde organisé géométriquement qui ne respecte pas votre sensibilité.

Traudel : Je pense que vous avez raison

Anaxagore : Rappelez-vous que votre émotivité vous permet d’avoir un rapport immédiat avec l’existence dans sa complexité, et de vous amener à trouver des solutions, des attitudes qui ne soient pas fondées sur de simples raisonnements qui semblent logiques, au premier abord.

Traudel : J’avoue que j’ai su voir des choses, les sentir, sans être capable de les prouver, et qui pourtant se sont trouvées confirmées plus tard.

Anaxagore : Ces expériences semblent bien vous avoir montré que votre sensibilité, votre réceptivité sont à écouter avec sérieux. Par conséquent, vous avez de bonnes raisons pour ne plus douter de la valeur de vos émotions.

Dès que vous êtes confrontée à des choses qui vous semblent difficiles à vivre, vous pourriez alors ne plus avoir l’impression de subir votre émotivité. Il peut être utile d’écouter ces messages émotionnels et laisser le temps vous révéler leurs messages, car à trop vouloir simplifier la réalité, celle-ci finit par se révolter. En acceptant et en assumant votre émotivité, il peut devenir possible de vivre en paix avec vous-mêmes, et surtout d’acquérir une confiance tranquille et patiente à l’égard de votre manière de voir la vie.

Thierry Gazan

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