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Anxiété et épuisement : le rôle caché du trauma précoce, du déficit en GABA et de la fragilité mitochondriale

fig 1: trauma précoce

Sophie avait toujours vécu avec cette impression de tension permanente. Enfant, elle avait grandi dans un environnement instable, marqué par l’insécurité émotionnelle et les disputes incessantes. Adolescente, les insomnies avaient commencé, accompagnées d’une anxiété sourde et d’une hypersensibilité aux bruits et aux lumières. À l’âge adulte, malgré des examens médicaux multiples et des diagnostics flous – fatigue chronique, troubles anxieux, syndrome du côlon irritable – aucune prise en charge ne semblait apporter un soulagement durable. Les traitements essayaient de faire taire les symptômes, mais sans jamais remonter à la cause. Les années passaient, et Sophie apprenait à fonctionner sur un mode d’alerte quasi permanent.
Ce n’est qu’après une rencontre avec un médecin intégratif qu’un fil conducteur est apparu : un axe invisible reliant le stress chronique de l’enfance, un déficit du neurotransmetteur GABA – le frein naturel du cerveau – et une fragilité mitochondriale, ces petites centrales énergétiques des cellules. En comprenant ce lien et en agissant simultanément sur le système nerveux, la chimie cérébrale et l’énergie cellulaire, Sophie a entamé un véritable chemin de réparation. Ce parcours, qui mêle neurosciences, médecine cellulaire et pratiques corps-esprit, est au cœur de cet article. Il offre une perspective nouvelle sur des symptômes souvent épars, et montre qu’il est possible, même après des années d’errance médicale, de retrouver équilibre et vitalité.

Traumas précoces et hyperactivation de l’axe du stress

Dans les premières années de la vie, le système nerveux se construit comme une architecture vivante, façonnée par les signaux de sécurité ou de danger que l’enfant perçoit. Lorsque ces signaux sont dominés par l’insécurité, la négligence ou la violence, le corps enregistre un code de survie qui s’inscrit au plus profond de ses circuits biologiques. Cette mémoire implicite, décrite par la théorie polyvagale de Stephen Porges [1], oriente la « neuroception » – la capacité du système nerveux autonome à détecter la sécurité – vers une vigilance permanente, comme si le danger pouvait surgir à tout moment. L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), chef d’orchestre de la réponse au stress, s’en trouve réglé sur un mode d’alerte constant : sécrétion chronique de CRH par l’hypothalamus, stimulation continue de l’ACTH par l’hypophyse, libération soutenue de cortisol par les surrénales. Cette hypercortisolémie prolongée désensibilise les récepteurs aux glucocorticoïdes dans l’hippocampe [2], perturbe le rétrocontrôle hormonal et entretient le cercle vicieux de l’hyperactivation. Sur le plan structurel, l’hippocampe perd en volume et en plasticité, l’amygdale devient hypertrophique et hypersensible, le cortex préfrontal perd une partie de sa capacité à moduler les réponses émotionnelles [3]

 

Fig 2: Stress chronique et stress oxydatif des mitochondries

Dans ce terrain de menace constante, la transmission GABAergique, qui agit comme le frein naturel du système nerveux central, s’affaiblit : baisse de l’expression des récepteurs GABA-A [4], réduction de l’activité de la glutamate décarboxylase, dominance glutamatergique et excitotoxicité neuronale. Les mitochondries, intégratrices des signaux neuroendocriniens [5], subissent la surcharge calcique, la production excessive de radicaux libres et un affaiblissement de la chaîne respiratoire. Avec le temps, la biogenèse mitochondriale ralentit, compromettant la production d’ATP et aggravant la fatigue cellulaire.

Déficit en GABA et vulnérabilité mitochondriale

Lorsque le frein naturel du système nerveux – le GABA – s’affaiblit, le cerveau se retrouve exposé à une excitation continue. Le glutamate, principal neurotransmetteur excitateur, prend alors une place dominante, accélérant les flux électriques et calciques vers l’intérieur des neurones. À court terme, cette hyperactivité peut sembler adaptative, mais à long terme elle épuise les circuits neuronaux et impose aux mitochondries un régime de fonctionnement intense et délétère. Ces centrales énergétiques doivent produire davantage d’ATP tout en gérant un afflux de calcium qui perturbe la chaîne respiratoire et déclenche la formation excessive de radicaux libres (ROS). L’équilibre redox se rompt ; les membranes, les protéines et même l’ADN mitochondrial subissent des micro-dommages répétés. Peu à peu, la densité mitochondriale diminue, la biogenèse est freinée par l’inhibition de PGC-1α, et le rendement énergétique chute.

Fig 3: deficit en GABA

Des études récentes [6][7] montrent que la baisse du GABA est directement corrélée à des anomalies structurelles et fonctionnelles des mitochondries, en particulier dans l’hippocampe. C’est un cercle vicieux : moins de GABA signifie plus de glutamate, plus de stress oxydatif, plus de dommages mitochondriaux, donc moins d’énergie pour produire du GABA.

De la neurochimie à la clinique

Ces déséquilibres ne restent pas invisibles : ils se traduisent dans la vie quotidienne par un cortège de symptômes souvent dispersés. Sur le plan psychique : anxiété diffuse, hypervigilance, ruminations, troubles du sommeil. Sur le plan cognitif : baisse de concentration, lenteur dans la récupération mentale, troubles de la mémoire de travail. Sur le plan physique : fatigue persistante, endurance réduite, récupération lente après effort, douleurs musculaires ou articulaires. L’hyperactivation sympathique maintient un état de tension corporelle permanent, ralentit la digestion et perturbe la régulation hormonale. En arrière-plan, un terrain inflammatoire discret mais constant entretient la vulnérabilité, prédisposant à des syndromes complexes comme la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique ou certaines formes de syndrome de l’intestin irritable.

Restaurer l’axe Stress – GABA – Mitochondries

Réparer cet axe fragile, c’est à la fois rééduquer le système nerveux, rétablir l’équilibre neurochimique et soutenir la bioénergétique cellulaire. La régulation neurovégétative passe par des techniques comme la cohérence cardiaque, la méditation pleine conscience et les exercices inspirés de la théorie polyvagale, visant à renforcer la neuroception de sécurité. Sur le plan biochimique, un apport en magnésium bisglycinate, L-théanine, taurine et phytothérapies GABAergiques (valériane, passiflore, mélisse) favorise la restauration du frein inhibiteur.  La protection mitochondriale repose sur des stratégies nutritionnelles et technologiques : photobiomodulation cérébrale (810 nm, 10–20 min, 2 à 4 fois/semaine), coenzyme Q10, PQQ, acide alpha-lipoïque et oméga-3. Dans les cas complexes, des interventions médicales comme la low-dose naltrexone (LDN) peuvent être envisagées pour réduire la neuroinflammation, toujours dans une approche personnalisée.

Conclusion – Retisser les liens de la résilience

L’axe qui relie les traumatismes précoces, le déficit en GABA et la vulnérabilité mitochondriale raconte l’histoire d’un organisme qui, pour survivre, a appris à vivre dans l’alerte. Ce réglage précoce, inscrit dans les circuits neuronaux et la bioénergétique cellulaire, peut pourtant être modulé. Comprendre cette mécanique, c’est reconnaître que fatigue, anxiété ou troubles cognitifs ne sont pas des failles de volonté mais les conséquences d’une physiologie conditionnée. La science actuelle nous montre que la résilience n’est pas qu’un concept psychologique : c’est un processus biologique qui peut être soutenu, renforcé et restauré. Redonner au système nerveux le sens de la sécurité, rétablir le GABA et protéger les mitochondries, c’est offrir à l’organisme la possibilité de sortir durablement de l’état d’alerte, pour retrouver un fonctionnement fluide, harmonieux et énergétiquement stable.

Protocole intégratif de restauration de l’axe Stress – GABA – Mitochondries

⚠️ Ce protocole est informatif et ne peux pas remplacer un avis médical supervisé. Les dosages doivent être adaptés à chaque patient.

1.       Modifications du style de vie

– Cohérence cardiaque : 6 respirations/min, 5 min, 3×/jour
– Exposition à la lumière naturelle : 15–30 min le matin
– Hygiène du sommeil : régularité, obscurité, arrêt écran ≥ 1h avant coucher
– Activité physique : 2h30/semaine modérée + 2 séances renforcement
– Yoga, tai-chi, Qi gong : 2–3×/semaine
– Stimulation vagale : chant, gargarisme, immersion eau froide

2.       Soutien GABAergique

– Magnésium bisglycinate : 200–400 mg/j
– L-théanine : 200–400 mg/j
– Taurine : 1–2 g/j
– Valériane : 300–600 mg/j, Passiflore : 200–400 mg/j, Mélisse : 300–600 mg/j
– Alimentation riche en précurseurs GABA : lentilles, choux, graines de tournesol

3.       Protection mitochondriale

– Coenzyme Q10 : 100–200 mg/j
– PQQ : 10–20 mg/j
– Acide alpha-lipoïque : 300–600 mg/j
– Oméga-3 : 1–2 g/j
– NAC : 600–1200 mg/j

Fig 4 : Se libérer des répnses physiologiques figées

4.       Techniques de déprogrammation du trauma :

Somatic Experiencing, EMDR, TRE (Tension & Trauma Releasing Exercises), visant à libérer les réponses physiologiques figées du système nerveux et restaurer la régulation autonome. Je vous invite à lire deux articles intéressants effectués par Karine D’Oro, le premier sur le trauma, comme cause racine de nombreux problèmes de santé et le deuxième article sur le nerf vague, chef d’orchestre de notre régulation neurovégétative (www.karinedoro,com).

5.       Thérapies innovantes

– Photobiomodulation cérébrale (810 nm) : 10–20 min, 2–4×/semaine
– Neurofeedback
– Low-dose naltrexone (LDN) : 1,5–4,5 mg/j

Intérêt des dosages neurochimiques et métaboliques en médecine intégrative

Dans l’approche intégrative, l’évaluation des neurotransmetteurs et des biomarqueurs de stress cellulaire permet de passer d’une impression clinique à une confirmation biologique. Cela oriente ensuite la stratégie de rééquilibrage.

Chez Sophie, un profil neurochimique et métabolique a été réalisé à partir d’un prélèvement urinaire et salivaire :

Marqueur

Résultat

Valeurs de référence

Interprétation

GABA (urinaire)

0,9 µmol/L

1,5 – 3,5

Déficit marqué en GABA

Glutamate (urinaire)

24 µmol/L

8 – 18

Excès relatif, déséquilibre GABA/glutamate

Cortisol salivaire – matin

27 ng/mL

15 – 25

Hypercortisolémie matinale

Cortisol salivaire – soir

8 ng/mL

2 – 5

Cortisol élevé en soirée, perturbant le sommeil

Tryptophane

35 µmol/L

45 – 70

Faible disponibilité pour la voie sérotoninergique

Kinuréine

4,8 µmol/L

1 – 3

Activation de la voie kinuréine → neuroinflammation potentielle

8-OHdG (urinaire)

9,2 ng/mg créatinine

< 5

Stress oxydatif élevé, atteinte possible ADN mitochondrial

HRV (RMSSD)

14 ms

> 25 ms

Faible variabilité cardiaque, dominance sympathique

Lecture du profil :

  • La combinaison faible GABA + excès glutamate indique un déficit du frein inhibiteur et une hyperexcitabilité neuronale.
  • L’hypercortisolémie persistante traduit une activation chronique de l’axe HHS.
  • L’élévation de la kynurénine, associée à la baisse du tryptophane, témoigne d’un détournement métabolique pro-inflammatoire.
  • Les marqueurs de stress oxydatif et la baisse de HRV confirment l’impact mitochondrial et la dysrégulation neurovégétative.

Intérêt clinique :
Ces mesures permettent de :

  1. Quantifier l’ampleur du déséquilibre.
  2. Suivre l’efficacité du traitement (répétition à 3 ou 6 mois).
  3. Personnaliser les interventions sur la base d’objectifs mesurables (ex. augmenter GABA, réduire glutamate, normaliser cortisol, diminuer kynurénine).

Dr A. D’Oro

Bibliographie

  1. Porges SW. The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. New York: W.W. Norton & Company; 2011.
  2. Sapolsky RM, Krey LC, McEwen BS. Glucocorticoids, stress, and their adverse neurological effects: relevance to aging. Experimental Gerontology. 2000;35(6-7):699-720. doi:10.1016/S0531-5565(00)00146-8.
  3. Teicher MH, Samson JA, Anderson CM, Ohashi K. The effects of childhood maltreatment on brain structure, function and connectivity. Biological Psychiatry. 2016;79(4):256-265. doi:10.1016/j.biopsych.2015.09.016.
  4. Skilbeck KJ, Johnston GA, Hinton T. Stress and GABA receptors. Frontiers in Neuroendocrinology. 2010;31(4):361-389. doi:10.1016/j.yfrne.2010.06.001.
  5. Picard M, McEwen BS. Psychological stress and mitochondria: A conceptual framework. Nature Reviews Neuroscience. 2023;24(1):1-18. doi:10.1038/s41583-022-00691-y.
  6. Wang X, Zhang C, Szabo A, Sun Y. Chronic stress-induced alterations in hippocampal GABA and mitochondrial function: implications for depression. Journal of Neuroscience Research. 2022;100(5):1078-1092. doi:10.1002/jnr.25033.
  7. Allen NJ, Ransom BR, Takano T. Stress and mitochondrial dysfunction: the role of neurotransmitter imbalance. Brain Research. 2023;1812:148159. doi:10.1016/j.brainres.2022.148159.

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