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Les intolérances alimentaires, mythe ou réalité ?

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Introduction

Depuis de nombreuses années, de nombreux thérapeutes et nutritionnistes soutiennent l’idée que divers problèmes de santé puissent provenir d’intolérances alimentaires. Ces intolérances alimentaires seraient responsables de nombreuses maladies, allant de l’eczéma, à la migraine en passant par la fibromyalgie. Des tests d’intolérances alimentaires (IgG) ont été commercialisés et sont même accessibles sur Internet. Certaines personnes se retrouvent avec des diètes d’exclusions multiples difficiles à gérer. Si les intolérances alimentaires sont la cause de nombreux problèmes de santé, alors on peut s’interroger pourquoi les tests d’intolérances alimentaires ne sont pas demandés par la plupart des médecins et pourquoi la plupart des allergologues ou immunologues n’acceptent pas la validité de ces tests. Les médecins seraient-ils aveugles ou désinformés ? Nous allons voir que cela est loin d’être clair et que l’utilité des tests d’intolérances est loin d’être prouvée. Il existe un cas à part avec l’intolérance au gluten, comprenant la maladie cœliaque et la sensibilité au gluten, qui sera discutée dans cet article.

Intolérance alimentaire, de quoi parle-t-on ?

La tolérance alimentaire correspond à une acceptation ou plus précisément à une non-action de notre système immunitaire envers des molécules alimentaires digérées correctement. En réalité, c’est notre microbiote qui favorise la tolérance alimentaire. En effet, lorsque notre écosystème est équilibré avec une bonne biodiversité microbienne, les bactéries « amies » informent notre système immunitaire que tout va bien. Il n’y a rien à déclarer. Le système immunitaire reste alerte, mais ne réagit pas. Lorsque notre microbiote est perturbé, la communication entre le microbiote et le système immunitaire est altérée, favorisant ainsi une sensibilisation alimentaire pouvant évoluer vers une allergie envers des aliments (1). Les allergies alimentaires sont donc en partie la conséquence d’une perte de la tolérance orale à des aliments suite à une modification du microbiote. C’est pourquoi la prise en charge du microbiote est de plus en plus prise en compte comme stratégie thérapeutique dans les allergies.

Toutefois, le sujet de cet article concerne l’intolérance alimentaire. Une notion loin d’être claire. Théoriquement, l’intolérance à un aliment est la conséquence d’une digestion incomplète des aliments par les enzymes digestifs, ce qui entraîne que l’aliment n’est pas dégradé jusqu’à son niveau le plus simple de monomère (glucose, acide aminé ou acide gras). L’exemple le plus connu est l’intolérance au lactose qui ne permet pas au lactose d’être scindé en glucose et galactose en raison d’une carence en lactase, ce qui entraîne des troubles digestifs bien connus.

Cependant, lorsque l’on parle d’intolérances alimentaires, on fait le plus souvent référence à des réactions d’hypersensibilité de classe 3. Il faut savoir que les allergologues ne tiennent compte le plus souvent que des réactions de classe 1, qui correspondent à une réaction immunitaire agressive envers l’allergène. Alors que la classe 3 est une hypersensibilité qui ne met en jeu que des anticorps mémoire de classe G (IgG4). La présence dans le sang d’anticorps IgG contre des aliments signifie principalement qu’il y a eu contact entre l’antigène alimentaire et le système immunitaire. Cela ne signifie en aucun cas qu’il y a allergie ou une réelle intolérance. Il y a simplement eu un contact. Et c’est là que les divergences existent. Les allergologues estiment que la présence d’anticorps de type IgG contre les aliments n’a pas de signification particulière, d’autant que de nombreuses études n’ont montré aucune corrélation entre des maladies et la présence de ces anticorps (3-6).  De plus, on retrouve fréquemment la présence d’anticorps IgG contre des aliments autant chez des personnes en bonne santé que chez ceux qui souffrent de maladies (6). Malgré l’absence de preuves claires, certains nutritionnistes estiment toutefois que la présence de ces anticorps anti-aliments est la preuve que les aliments incriminés entretiennent les maladies ou symptômes dont se plaint le patient. Les études allant dans ce sens restent toutefois anecdotiques (7,8).

En fait, ce qui est réellement important de comprendre, c’est que la présence d’anticorps IgG envers les aliments semble indiquer avant tout une perméabilité intestinale accrue, car normalement la muqueuse intestinale est imperméable et ne devrait pas permettre le contact entre des molécules alimentaires et le système immunitaire.

Si l’on comprend cela, on peut estimer que la prise en charge de ces soi-disant intolérances alimentaires ne passe pas nécessairement par des régimes d’exclusions, mais par la correction de l’hyperperméabilité intestinale qui nécessite entre autre une prise en charge adéquate du microbiote et de la barrière intestinale. Dès lors, une bonne prise en charge de notre microbiote devrait faire disparaître progressivement les témoins sanguins de l’hyperperméabilité intestinale que sont les IgG alimentaires.

Le gluten, un cas à part

Le gluten est un ingrédient très répandu qui se trouve dans certaines céréales comme le blé, l’orge ou le seigle. L’intolérance la plus reconnue au gluten est la maladie cœliaque. C’est une maladie auto-immune caractérisée par une réponse immunitaire contre le gluten, entraînant des lésions de la muqueuse intestinale. On estime qu’une personne sur 100 est touchée. Le diagnostic peut être posé sur la base d’examens sanguins (anticorps anti transglutaminases) ou par endoscopie de l’intestin avec biopsie.

Toutefois, récemment, est apparu le terme de « sensibilité au gluten ». Ce terme est apparu à la suite de l’observation de nombreux individus qui souffraient des symptômes à l’ingestion du blé ou du gluten et dont les symptômes disparaissent à l’arrêt du gluten. Il n’existe pas de critères fiables sanguins permettant de confirmer ce diagnostic, bien que la présence d’anticorps anti-gliadine et /ou la présence d’une prédisposition génétique (HLA DQ2/8) peuvent faire suspecter ce diagnostic.

Cette sensibilité au gluten semble concerner de nombreux individus, les statistiques étant très variables, pouvant aller de 8 % à 20 % de la population. Contrairement à la maladie coeliaque, la sensibilité au gluten ne détruit pas les villosités intestinales, mais peut entraîner une inflammation systémique plus marquée (9). Selon le Dr Alessio Fasano, chef du département de gastroentérologie et du centre de recherche de la maladie cœliaque du Massachusetts General Hospital de Boston, le gluten est un problème non seulement pour les personnes intolérantes, mais probablement pour la plupart des individus, surtout ceux souffrant de maladies auto-immunes.

En effet, il a démontré dans ses recherches que les céréales à gluten ne peuvent être complètement digérées et sont la cause d’une hyper-perméabilité intestinale chez presque tout le monde, avec ou sans intolérance au gluten (10). Il existe donc une mauvaise digestibilité du gluten chez la majorité des gens, le plus souvent sans symptômes. Mais à la longue, chez certains individus fragilisés ou prédisposés génétiquement, la paroi de l’intestin n’arrive plus à se réparer, la perméabilité devient chronique, le corps n’arrive plus faire face à l’entrée d’aliments mal digérés et aux toxines avec de nombreuses conséquences pour la santé (11). C’est pour cela que le gluten reste un cas à part dans les intolérances alimentaires. On peut conseiller à toute personne souffrant de troubles digestifs, de maladies auto-immunes etc, d’essayer une période test sans gluten strict pendant au minimum un mois lors de problèmes digestifs et quelques fois plus longtemps (3 à 6 mois) pour les maladies plus importantes.

Les produits laitiers, pas toujours un ami pour la vie

Le lait, souvent riche en sucre, pasteurisé et homogénéisé est devenu problématique pour la santé. La pasteurisation est un chauffage à haute température qui tue les bactéries, et détruit la plupart des vitamines et minéraux. L’homogénéisation donne une consistance crémeuse au lait, toutefois la modification de la taille des particules de lait fait qu’il pénètre plus rapidement et peut être plus facilement allergisant.

L’intolérance la plus connue concerne l’intolérance au lactose. Il faut savoir que la moindre inflammation de l’intestin appauvrit la muqueuse en lactase. Lors d’une dysbiose intestinale accompagnée de troubles digestifs, le lactose reste souvent indigeste aggravant les troubles digestifs. De plus, la caséine est une protéine assez difficile à digérer et par conséquent pouvant être inflammatoire, allergisante et favoriser l’auto-immunité. Par exemple, les produits laitiers sont incriminés dans le diabète de type 1 (12) et semblent jouer un rôle dans d’autres maladies auto-immunes.

Toutefois, les produits laitiers de bonne qualité restent un aliment très intéressant au niveau nutritionnel. Certains sont même conseillés pour améliorer l’état de notre microbiote tels que le kéfir, les yaourts fermentés ou des fromages au lait cru. Comme pour le gluten, il est intéressant chez les personnes souffrant de troubles digestifs ou d’autres maladies (migraine, eczéma, acné, maladies auto-immunes, etc.) de tester pendant un certain temps (minimum un mois) l’arrêt des produits laitiers et d’observer les changements au niveau de la santé. Si cela ne pose pas de problème, la reprise des produits laitiers est possible. En réintroduisant les produits laitiers, il est préférable de commencer par les produits sans lactose pendant une à deux semaines puis avec lactose.

En résumé

En premier lieu, nous avons vu que le terme d’intolérance alimentaire prête à confusion. Les tests d’intolérances alimentaires correspondent à la recherche d’anticorps IgG4 anti-aliments dont la signification clinique est discutable et critiquée par la médecine classique, à juste raison, devant l’absence d’études cliniques probantes. La présence de ces intolérances alimentaires indique vraisemblablement qu’il existe une perméabilité alimentaire dans le cadre d’une dysbiose. La solution passe par la prise en charge du microbiote (voir articles en relation) et non pas par des exclusions multiples d’aliments qui finissent par stresser la personne et appauvrir le microbiote. Il faut se rappeler que la tolérance alimentaire dépend en grande partie de l’état de notre microbiote.

L’intolérance du gluten reste un cas à part qui est particulièrement fréquente du fait que le gluten est une protéine incomplètement digérée et qui favorise la perméabilité alimentaire. La maladie cœliaque est une entité reconnue par les médecins et dont il existe des critères diagnostics précis. En contre partie, la sensibilité au gluten reste encore un sujet débattu bien que les preuves scientifiques soient de plus en plus nombreuses.

Lorsqu’on souffre de maladies chroniques en relation avec une perturbation du microbiote (migraines, eczéma, acné, maladies auto-immunes, etc.), il peut être intéressant de faire un test d’exclusion au gluten et aux produits laitiers pendant quelques semaines, suivies d’un test de réintroduction pour voir l’intérêt d’une telle démarche. Si vous suspectez d’autres aliments pouvant déclencher les symptômes, il est préférable de tenir un journal de bord en notant, lors d’apparition des symptômes, ce que vous avez mangé les dernières 48 heures. Après plusieurs épisodes, il est possible de recouper les informations et de trouver d’autres aliments déclencheurs. Cela est quelquefois difficile, car on peut réagir parfois à des choses peu visibles, telles que conservateurs, colorants, glutamate, sulfites, etc.

Il ne faut toutefois pas se focaliser sur des diètes d’exclusion alimentaire, le plus important reste de retrouver un microbiote sain avec une meilleure biodiversité. En effet, les études tendent à montrer que l’amélioration du microbiote améliore la tolérance aux aliments, calme le système immunitaire et améliore la digestion des aliments. Il est important pour cela d’avoir une alimentation riche en prébiotiques (légumes et en fruits) avec réduction des sucres et des farines blanches et de consommer si possible dans un premier temps des produits lacto-fermentés régulièrement (kombucha, kéfir, légumes fermentés, etc.).

Références

  1. Plunkett CH « The influence of the microbiome on allergic sensitization to food » J Immunol 2017 Jan 15 ;198(2) :581-589
  2. Nowak_Wegrznyn « Food allergy and the gut » Nat Rev Gastro enterol Hepatol 2017 Apr ;14(4) :241-257
  3. Philipott H « Allergy tests do not predict food triggers in adult patients with eosinophilic oesophagitis. A comprehensive prospective study using five modalities » Aliment PharmacolTher 2016 Aug ;44(3) :223-33
  4. Antico A « Food specific IgG4 lack diagnostic value in adults patients with chronic urticaria and other suspected allergy skin symptoms » Int Arch Allergy Immunol 2011 ;155 :52-6
  5. Jansen A « Anti-food and anti-microbial IgG subclass antibodies in inflammatory bowel disease » Scand J Gastroenterol 2016 Dec ;51(12) :1453-1461
  6. Zeng Q « Variable food specific IgG antibody levels in healthy and symptomatic chinese adults » PlOs one 2013 ;8 :e53612
  7. Kwiathowski L. « Resolution of Allergic Rhinitis and Reactive Bronchospasm With Supplements and Food-specific Immunoglobulin G Elimination: A Case Report » Altern. Ther Health Med. 2016 Oct ;22 :24-28
  8. Rajendran N. « Food specific IgG4 guided exclusion diets improve symptomes in Chrohns disease : a pilot study » Colorectal dis 2011 Sep ;13 :1009-13
  9. Uhde M « Intestinal cell damage and systemic immune activation in individuals reporting sensitivity to wheat in the absence of coeliac disease » Gut 2016 Jul 25
  10. Hollon J « Effect of gliadin on permeability of intestinal biopsy explants from coeliac disease patients and patients with on-celiac gluten sensitivity » Nutrients 2015 Feb 27 ;7(3) :1565-76
  11. Carroccio A « High proportions of people with non celiac wheat sensitivity have autoimmune disease or antinuclear antibodies » Gastroenterology 2015 Sep ;149(3) :596-603
  12. Virtanen SM « Dietary factors in the development of type 1 diabetes » Pediatr Diabetes 2016 Jul ;17Suppl 22.49-55

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