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Maladies inflammatoires de l’intestin – Partie 1 : artillerie diagnostic et thérapeutique de la médecine actuelle

Introduction

Lorsque l’on parle des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI), on se réfère le plus souvent à deux maladies distinctes, la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Ces deux maladies ont toutefois des caractéristiques cliniques et pathologiques distinctes. L’origine de ces maladies reste toutefois mal comprise bien qu’il existe diverses théories. En France, la maladie de Crohn touche environ un habitant sur 1000, ce qui fait 60 000 personnes, alors qu’environ 40 000 personnes sont atteintes de la colite ulcéreuse. Les maladies inflammatoires de l’intestin apparaissent le plus souvent entre 15 et 40 ans, bien que l’on observe un 2ème pic d’apparition entre 50 et 80 ans. Dans cet article en 2 parties, nous allons voir en premier lieu les différences entres ces deux maladies d’un point de vue anatomique, clinique et diagnostic et aborder l’approche médical standard de ces maladies. En effet, avant de parler des approches en médecine nutritionnelle, il est nécessaire de comprendre le pourquoi des traitements médicamenteux, leurs avantages et leurs dangers. Il faut garder en tête que le principal danger, c’est avant tout la maladie elle-même et non pas les traitements. LA 2ème partie sera donc consacrée aux approches en médecine nutritionnelle et en naturopathie sous l’éclairage des dernières découvertes en nutrition, en épigénétique et par rapport au microbiote.

Caractéristiques anatomiques des maladies inflammatoires de l’intestin

La maladie de Crohn et la colite ulcéreuse ont des caractéristiques bien distinctes et ne touchent pas de la même façon l’intestin et pour comprendre cela nous avons besoin de quelques notions d’anatomie.  Le tube digestif est composé de 4 couches, premièrement la muqueuse qui comprend l’épithélium, la lamina propria et la musculature de la muqueuse, puis on trouve la sous-muqueuse, la musculature de l’intestin qui comprend des fibres circulaires et longitudinales et la séreuse.

Caractéristiques de la colite ulcéreuse

La colite ulcéreuse est une maladie inflammatoire chronique caractérisée par des épisodes récurrents d’inflammation de l’intestin limités à la couche muqueuse du colon. Elle touche de façon constante le rectum et s’étend progressivement vers d’autres parties du colon de façon continue. Selon l’extension de la maladie, on va utiliser des termes différents, ainsi l’atteinte isolée du rectum est appelée proctite ulcéreuse, l’atteinte du rectum et de la partie gauche du colon est appelée proctosigmoidite ulcéreuse ou encore pancolite si le processus inflammatoire s’étend dans tous le colon, du rectum au caecum. 

Caractéristiques de la maladie de Crohn

La maladie de Crohn est une maladie intestinale caractérisée par une atteinte inflammatoire granulomateuse de toute la paroi de l’intestin alternant avec des parties saines de l’intestin. L’atteinte inflammatoire transmurale de la maladie de Crohn peut amener à des phénomènes de fibroses, de rétrécissement de l’intestin jusqu’à une clinique d’obstruction de l’intestin. Les conséquences secondaires de l’atteinte transmurale de la maladie de Crohn est le risque d’abcès, de microperforations ou de fistules. L’atteinte la plus fréquente de la maladie de Crohn concerne la partie terminale de l’iléon (80% des cas), on assiste à des atteintes en patchwork avec alternance de parties saines et malades. La photo ci-dessous permet d’imager la différence entre l’atteinte de la colite ulcéreuse qui est caractérisée par une atteinte de la muqueuse du colon partant depuis le rectum et pouvant s’étendre proximalement par rapport à la maladie de Crohn qui est caractérisée par une atteinte transmurale en patchwork pouvant impliquer n’importe qu’elle parties du système digestif avec des risques de sténoses, d’abcès ou de fistules.  

Les maladies inflammatoires de l’intestin, un problème d’immunité

Un intestin grêle sain est dépendant d’une barrière intestinale intacte et fonctionnelle, impliquant un mucus de surface protecteur, une bonne motilité intestinale (complexe moteur migrant) et la sécrétion de nombreux facteurs protecteurs comme des protéines antimicrobiennes etc. Autour de l’intestin, on retrouve 80% des cellules immunitaires du corps, ce système s’appelle le GALT (gut associated lymphoid tissue). Ce système possède une « infanterie » sur place composé de cellules immunitaires réagissant rapidement et de façon non spécifique. Il s’agit du système immunitaire inné qui permet de protéger l’intestin grâce à divers cellules immunitaires (leucocytes, macrophage, cellules dendritiques, natural killers etc..). Certaines cellules ont des récepteurs qui détectent les fragments microbiens, ce qui permet d’activer d’autres cellules pour une réponse initiale rapide et peu spécifique envers les pathogènes mais également d’orienter la réponse adaptative, dont les cellules dendritiques ont un rôle clé dans cette orientation préférentielle.  La réaction immunitaire plus ciblée sur la reconnaissance des pathogènes est appelée immunité adaptative, il s’agit de « la cavalerie » qui est plus efficace à cibler son ennemi mais met plus de temps à entrer en jeu. Le système immunitaire adaptatif comprend principalement les lymphocytes B et T et permet une réponse spécifique contre des antigènes étrangers autant par la création d’anticorps que par une voie cytotoxique directe (lymphocytes cytotoxiques).  

Il faut comprendre qu’au cours d’une réponse immunitaire, même si l’ensemble des moyens de défenses est mis en jeu, l’organisme fait prédominer la réponse la mieux adaptée en fonction du type d’antigène à éliminer.  

Pour que cela fonctionne bien, il est important que le système immunitaire soit bien équilibré, une réponse trop forte ou insuffisante peut favoriser une pathologie.  Comme il y a de nombreuses bactéries dans l’intestin, le GALT doit permettre de contrôler les pathogènes tout en permettant aux bactéries amies de vivre. C’est pourquoi il y a une grande plasticité dans le système immunitaire qui peut se modifier et s’adapter rapidement aux conditions locales. Il est maintenant bien établi que les maladies inflammatoires de l’intestin résultent d’une dérégulation du système immunitaire de l’intestin. Cette dérégulation peut être due à une réactivité excessive ou inadéquate de la réponse immunitaire envers le microbiote (dysbiose). 

En effet, au niveau immunitaire on constate dans les MICI une hyperactivité du système immunitaire avec un recrutement et une activation augmentée des cellules immunitaires, une augmentation de la circulation des cellules lymphocytaires B et T et lors de crise, on a également une augmentation des neutrophiles pro-inflammatoires dans la muqueuse.

Facteurs favorisant l’apparition de MICI

La survenue d’une maladie inflammatoire de l’intestin est vraisemblablement en relation avec une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux divers. Nous avons vu que la pathogénèse des MICI implique une réponse immunitaire inadaptée envers notre microbiote, cela pouvant être favorisé par divers facteurs de notre environnement. On observe dans certaines études, par exemple, la présence d’une gastroentérite dans les 6 mois précédent le diagnostic d’une MICI. Probablement, la modification défavorable du microbiote suite à une gastro-entérite représente un facteur déclenchant chez des personnes prédisposées. De plus, il y a cinq fois plus de risque de diagnostiquer une MICI après le diagnostic d’un syndrome du côlon irritable qui est souvent caractérisé par la présence d’une dysbiose (1). Nous allons voir également que certains médicaments et notre alimentation peuvent également jouer un rôle favorisant dans la survenue de MICI.

Médicaments associés à la survenue de MICI

Une méta-analyse, sur 11 études observationnelles incluant 7208 personnes souffrant de maladies inflammatoires de l’intestin, a montré qu’une exposition à un antibiotique était associé à une augmentation du risque de maladie de Crohn et de façon moins prononcée, à une colite ulcéreuse. Les antibiotiques les plus néfastes étaient le metronidazole et les fluoroquinolones. Une autre étude contrôle, comparant une population saine par rapport à des patients malades de MICI a montré également une nette association entre la prise d’antibiotiques et la survenue d’une maladie de Crohn ou d’une colite ulcéreuse. Le risque le plus élevée était lorsqu’il x y avait plus de 30 jours d’antibiotiques cumulés (2).

Les anti-inflammatoires non stéroidiens et l’aspirine sont également incriminés dans l’installation de maladies inflammatoires de l’intestin. Ces médicaments ont une action négative sur la barrière intestinale et par conséquent peuvent affecter l’interaction entre le microbiome et les cellules immunitaires de l’intestin. Diverses études ont montré qu’une utilisation régulière des anti-inflammatoires augmente le risque de développer une forme active de Crohn, cela étant moins prouvé dans la colite ulcéreuse (3).

Association entre alimentation et MICI

La plupart des gastroentérologues sont convaincus que l’alimentation ne joue aucun rôle sur les maladies inflammatoires de l’intestin. Malgré ces croyances, plusieurs études montrent que des antigènes alimentaires peuvent déclencher des réponses immunitaires pouvant amener à l’apparition de maladies inflammatoires de l’intestin (4,5). D’autre part, on sait qu’une alimentation de type occidentale riche en produits transformés, en aliments sucrés, en graisses saturées ou frites, augmente le risque de développer une maladie inflammatoire de l’intestin (6,7).  L’augmentation de la consommation de sucres raffinés a été également associée à l’installation de la maladie de Crohn alors qu’à contrario des apports réguliers d’aliments riches en fibres, comme les fruits, ont été associé à une diminution de cette maladie. De même, une augmentation des apports de graisses animales et de protéines du lait a été corrélé avec une augmentation de la survenue de MICI alors que des apports d’acides gras oméga 3 et une réduction des acides gras oméga 6 pro-inflammatoires a permis de réduire le développement de la maladie de Crohn (8). Nous verrons, dans la 2ème partie de cet article, de façon plus approfondi le rôle bénéfique de certains modèles alimentaires dans la prise en charge des MICI.

Présentations cliniques des MICI 

La colite ulcéreuse

Diarrhées et saignements sont des caractéristiques classiques de la colite ulcéreuse. Les patients se plaignent également de douleurs abdominales, de ténesme et d’incontinence intestinale. Plus la maladie est sévère et plus les symptômes sont importants. Afin d’évaluer la progression de la RCUH, on utilise souvent le score de Mayo

  • Lorsque la maladie est légère, les patients ont 4 selles ou moins par jour avec ou sans saignements. Des crampes douloureuses ou des périodes de constipation sont habituelles. Il n’y a pas de signes de toxicité systémique avec l’absence d’inflammation dans le sang
  • Lorsque la maladie est modérée, il y a souvent plus de 4 épisodes des selles sanglantes par jour, associées à des douleurs abdominales modérées. On peut retrouver dans le sang une anémie modérée et des signes modérés d’inflammation. Une alimentation adéquate peut être maintenue.
  • Dans les formes sévères, la personne a plus de 5 épisodes de selles sanglantes avec des crampes sévères. La personne souffre d’une perte de poids rapide. Il y a souvent des signes systémiques comme une augmentation de la température, une tachycardie (>90 pulsations/min), une anémie (Hg< 10,5 g/dl) et une VS élevée (> 30mm/h).

Les complications aigues et sévères de la colite ulcéreuse peuvent se manifester par une hémorragie sévère qui est une urgence hospitalière et pouvant se solder par une colectomie d’urgence. Elles peuvent également se manifester par une colite fulminante, il s’agit de patients qui ont plus de 10 selles par jour avec des saignements continus, des douleurs abdominales et des signes systémiques sévères avec de la fièvre et une anorexie. Ces patients sont à risque de développer un mégacolon toxique car le processus inflammatoire s’étend de la muqueuse vers les couches musculaires du colon, c’est une urgence hospitalière au vue du risque vital.

La maladie de Crohn

La maladie de Crohn est caractérisée par des atteintes en patchwork, alternant des parties malades et des parties saines. Environ 80% des malades ont une atteinte de l’intestin grêle, le plus souvent au niveau de l’iléon terminal et un tiers ont uniquement une iléite terminale, sans autres atteintes. Environ 50% des malades ont une iléocolite qui touche l’iléon et le colon et  20% ont une atteinte limitée au colon, la moitié de ces malades n’a pas d’atteinte du rectum et un tiers ont une atteinte périanale. On constate également un faible pourcentage de personnes (5% à 15%) qui ont une atteinte de la bouche ou gastroduodénale et très peu ont une atteinte de l’œsophage.

Les symptômes classiques incluent ; une fatigue, des douleurs abdominales, le plus souvent sous forme de crampes, des épisodes de diarrhées prolongées, une perte de poids et de la fièvre. Les diarrhées associées au Crohn peuvent avoir plusieurs causes telles qu’une sécrétion excessive de fluides due à l’inflammation de l’intestin grêle ou du colon, une malabsorption des sels biliaires due à l’inflammation de l’iléon terminale ou encore un SIBO (pullulation bactérienne de l’intestin grêle).

Les complications de la maladie de Crohn

  • L’obstruction intestinale

L’atteinte dans la maladie de Crohn prend toute la paroi de l’intestin, cela peut provoquer des rétrecissemnents cicatriciels pouvant favoriser des épisodes d’obstruction de l’intestin grêle et moins fréquemment du colon. Une obstruction peut se manifester progressivement mais également se présenter comme un tableau d’abdomen aigu nécessitant une hospitalisation.

  • La fistule

Elle est due à l’inflammation transmurale qui peut atteindre la couche externe de l’intestin et donner lieu à des fistules, il s’agit souvent d’un processus lent. Les fistules peuvent communiquer entre deux organes. Les communications les plus fréquent se font entre l’intestin avec la vessie, ou avec la peau, ou l’intestin avec l’intestin ou encore avec le vagin. La manifestation clinique d’une fistule va dépendre de l’organe impliqué.

Les fistules entéro-entériques peuvent être asymptomatique, les fistules entéro-vésicales peuvent se manifester avec des infections urinaires récurrentes, les fistules entéro-vaginales peuvent se manifester par des passages de gaz ou de selles par le vagin et les fistules entéro-cutanées peuvent se manifester par du contenu intestinal à travers la peau.

  • L’abcès et le phlegmon

Un phlegmon est une masse inflammatoire due à des bactéries, elle peut diffuser, ne créant pas d’abcès., souvent impliquant l’iléon. On peut aussi assister à la formation d’un abcès qui peut se manifester par une péritonite localisée avec abdomen aigu en cas de perforation dans le ventre

Absès

Les présentations extra-intestinal des MICI

Les maladies inflammatoires de l’intestin sont souvent associées à des manifestations extra-digestives. Par exemple, la maladie de Crohn peut être associée assez fréquemment (20% des cas) à des arthrites ou des arthralgies. Le patient peut souffrir d’une atteinte axiale comme une sacro-illite ou présenté un tableau de spondylarthrite ankylosante. Les yeux sont impliqués dans environ 5% des cas sous forme d’uvéite, épisclérite ou iritis. La peau peut être également impliquée dans 10% des cas (érythème noueux, pyoderma gangrenosum etc.). On recherchera également une ostéoporose qui peut résulter des conséquences de cures de corticostéroides mais également d’une malabsorption de la vitamine D.

LES EXAMENS COMPLEMENTAIRES

Dans le sang

On va bien entendu pratiquer un bilan complet sanguin incluant une formule sanguine, les électrolytes, les marqueurs de la fonction rénale et hépatique, le glucose, le fer, la vitamine B12 et D. Les marqueurs d’inflammation comme la vitesse de sédimentation et la CRP sont importants. La CRP est le marqueur qui a la meilleure performance pour évaluer le niveau d’inflammation dans les MICI. La CRP est bien corrélée avec l’activité de la maladie de Crohn et reste un marqueur moins précis dans la colite ulcéreuse ou l’on peut retrouver des valeurs modestes voir absente de CRP, cela étant expliqué par l’atteinte localisée à la muqueuse intestinale dans la colite ulcéreuse. Le dosage de certains biomarqueurs peut être utile pour le diagnostic. On pense dans ce cas aux pANCA (anticorps périnucléaires anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles) et aux ASCA (anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae).  Les ASCA sont plus associés à la maladie de Crohn et les pANCA, à la colite ulcéreuse.

Dans les selles

On va évoquer surtout la calprotectine et la lactoferrine fécale. Une calprotectine élevée indique une migration des globules blancs neutrophiles vers la muqueuse intestinale enflammée. L’inflammation peut être causée par des MICI mais également lors d’une infection bactérienne ou parasitaire. Le plus souvent la calprotectine est normale dans le colon irritable, raison pour laquelle la calprotectine est utilisée pour différencier un syndrome du côlon irritable et une maladie inflammatoire de l’intestin.  Les valeurs de calprotectine sont considérées comme normales si en-dessous de 50, comme borderline entre 50 et 120et comme positive au-dessus de 120, plus le chiffre est élevé plus l’inflammation est importante. Des études ont montré une bonne corrélation entre la calprotectine, les valeurs de la CRP et les constats endoscopiques, surtout au niveau du colon (9). Voyez ci-dessous un arbre décisionnel qui dépend des valeurs de la calprotectine fécale.

La lactoferrine fécale est une glycoprotéine qui se lie au fer présent dans les sécrétions à la surface des muqueuses lors d’interactions avec des pathogènes (salive, vagin, selles etc), C’est un composé présent dans les globules blancs (neutrophiles) qui réagit dans la réponse inflammatoire aigue. Les niveaux de lactoferrine augmentent selon la quantité de neutrophiles durant l’inflammation intestinale. La lactoferrine a une activité anti-bactérienne et son dosage est également intéressant pour différencier un côlon irritable d’une maladie inflammatoire de l’intestin (10). 

Dans l’ensemble ces dosages sont utiles pour suivre une MICI. Par exemple, l’association de symptômes digestifs et de l’augmentation de la CRP peut être suffisant pour identifier une MICI active, en tenant compte que dans la colite ulcéreuse, la CRP ne s’élève qu’en cas de maladie étendue.  D’autre part, la diminution des taux de calprotectine et de lactoferrine est corrélée à une rémission endoscopique. De plus, la combinaison de marqueurs fécaux et de la CRP augmente la valeur prédictive d’une rechute infra-clinique. Dès lors pour suivre l’évolution de la maladie et l’efficacité d’un traitement des marqueurs simples et non invasifs comme la formule sanguine, la CRP et la calprotectine peuvent déjà suffire.

L’imagerie

Il existe des techniques anciennes comme le transit baryté pour suivre le produit de contraste à travers l’intestin grêle ou le lavement baryté qui permet, par un produit de contraste, de visualiser le colon. Ces 2 examens ont perdu leur popularité à cause d’une technique laborieuse et de l’exposition à des radiations importantes. Nous allons voir qu’il existe actuellement des techniques plus performantes.

–       Endoscopie par video capsule :

Cela consiste à faire avaler une capsule qui contient une ou 2 petites caméras, une source de lumière et un transmetteur. Les images de la muqueuse intestinale transmises sont utiles pour découvrir un saignement digestif caché et des problèmes au niveau de la muqueuse de l’intestin grêle dans des zones difficiles à évaluer par endoscopie. Cette approche est contre indiquée avec les patients qui ont des rétrecissements ou des obstructions intestinales.

–       L’entéroscanner (ou scanner du grêle)

Cet examen nécessite un produit de contraste soit par voie orale soit par voie intraveineuse afin de donner des meilleures images des intestins. On peut effectuer une reconstruction en 3D pour mieux visualiser l’intestin grêle et identifier des zones enflammées de l’intestin ou une obstruction débutante. Les risques de cet examen c’est qu’il produit des radiations importantes.

–       L’entéro-IRM

Cet examen permet une très bonne évaluation de la paroi de l’intestin grêle et de détecter des inflammations der la muqueuse par exemple dans la colite ulcéreuse.

Dans une étude de 2014, chez 44 patients souffrants de Crohn, on a effectué un entéro-scanner, une entéroIRM et une iléocolonoscopie. L’examen IRM a montré une meilleure précision dans la détection de rétrecissement et dans la visualisation de la paroi de l’iléon terminal (11). L’entéro-IRM montre également un intérêt pour monitorer une rémission ou montrer la guérison d’un ulcère avec une efficacité comparable au gold standard, l’iléocolonoscopie.

–       L’endoscopie

La gastro-duodénoscopie permet de visualiser l’œsophage, l’estomac et le début de l’intestin grêle et il n’y a pas besoin de faire de préparation. La coloscopie reste l’examen de référence pour diagnostic une MICI ainsi que de permettre de faire des biopsies. Cet examen nécessite une préparation ainsi qu’une sédation. Un des buts du gastro-entérologue est d’être capable d’entrer dans l’intestin grêle en passant à travers la valve iléo-caecale afin de visualiser la partie terminale de l’iléon.

LES APPROCHES CLASSIQUES MEDICAMENTEUSES

Il est nécessaire d’avoir des informations précises sur le type de traitement que prend un patient que l’on suit sur le plan nutritionnel ou en naturopathie. Il faut garder en tête que c’est la maladie qui est le problème et ne pas diaboliser les traitements qui peuvent être une bonne solution pour la personne à un moment donné de sa prise en charge. De plus, des approches naturelles peuvent être également combinée avec un traitement classique. Il existe en médecine deux philosophies différentes dans l’application des traitements. Les traitements décrits ci-dessous sont donnés à but informationnel, ils sont du ressort principalement des gastro-entérologues mais il est important que le patient et le thérapeute en alternatives plus naturelles, connaissent ces traitements, leurs indications, leurs effets et leurs dangers.

L’approche par pallier progressif : on débute avec un traitement léger qui a souvent peu d’effets secondaires et progressivement selon l’évolution de la maladie, le médecin augmente la puissance du médicament avec également risque d’augmentation des effets secondaires

L’approche dégressive, dans cette approche on décide de débuter avec des médicaments puissants (biologiques, immunosuppresseurs) au début de la maladie afin de contrôler rapidement la maladie et réduire ou éviter l’utilisation trop fréquentes des corticoides

L’approche choisi dépend du gastroentérologue qui prend en charge le patient.

Il existe plusieurs classes de médicaments que nous allons étudier pour mieux comprendre les indications, les effets et également les risques de ces traitements:

  • Les 5-aminosalicylés
  • Les corticoides locaux
  • Les corticoides par voie systémique
  • Les médicaments dit « biologiques »
  • Les immunosuppresseurs classiques

Les 5-aminosalicylés

Sulfalazine (Salazopirine)

Ce médicament est un des plus anciens traitements de la maladie de Crohn. Il est partiellement absorbé dans le jejunum puis se déplace dans le colon ou les bactéries vont le scinder en 5 aminosalicylate et en sulfapyridine. Les bactéries utilisent pour cela l’acide folique, qui peut être une vitamine limitante, c’est pourquoi on donne souvent de l’acide folique avec cette médication. L’effet thérapeutique provient principalement de la 5-ASA et de nombreux effets secondaires sont plutôt dus à la partie sulfapyridine du médicament. Il existe de nombreux effets secondaires, bien que peu fréquent qui incluent des problèmes d’hypersensibilité, d’hépatotoxicité, nephrotoxicité, de toxicité pulmonaire ainsi qu’au niveau du sang ou de la peau.

La mesalazine (Pentasa, Salofalk)

Il s’agit actuellement du médicament le plus utilisé, étant donné qu’il s’agit de la forme thérapeutique 5-ASA. Il existe sous forme orale (Pentasa, Salofalk) ou sous forme rectale (Salofalk suppositoire). L’absorption systémique et l’efficacité de la Mésalasine est identique à la Sulfalazine mais avec un meilleur profil de sécurité et une meilleure tolérance. Il existe diverses formulations de la Mésalazine qui permettent un meilleur contrôle de la diffusion du produit, selon la localisation que l’on veut traiter. Par exemple, la marque Pentasa a un enrobage d’ethylcellulose qui va agir comme une membrane semi-perméable et va relâcher 30 à 40% de la 5-ASA dans le duodénum et le reste dans l’intestin grêle et le colon.  A contrario, les formes en granules ou microgranules avec résines acryliques va se dissoudre avec des ph > 6 et donc va traverser l’ensemble de l’intestin grêle sans être altéré et peut se dissoudre à partir de l’iléon terminal et dans le colon (Salofalk granules). Il existe aussi des formulations plus complexes avec système MMX (multi-matrix system), formulation avec enrobage dépendant du ph, avec diffusion dans l’iléon terminal et avec une matrice lipophilique et hydrophilique qui va créer un gel diffusant graduellement le 5-ASA dans l’iléon et le colon. L’avantage c’est qu’on peut le prendre une fois par jour (Mezavent). 

Il faut souligner la présence dans certaines préparations d’excipients pouvant être problématique pour la santé, comme les phthalates largement utilisés dans ce type de préparation. Il s’agit d’un perturbateur endocrinien et ces préparations pourraient avoir un effet anti-androgène (infertilité) (12), sur la thyroide (13) ainsi que divers autres effets endocriniens (14). Certaines préparations ne contiennent pas de phtalates comme le Salofalk ou le Mezavent.  Quoi qu’il en soit, les effets secondaires de la mesalazine sont nombreux bien que la tolérance et la sécurité du produit est relativement bonne en général. Il existe toutefois des effets secondaires relativement fréquents comme céphalée, flatulences, nausées, douleurs abdominales, pharyngites, photosensibilité ou élévations des tests hépatiques.

Les corticoides locaux

Budenoside (Budenofalk, Entocort, Cortiment)

Il s’agit d’un glucocorticoides qui est métabolisé dans le foie. Il existe une forte métabolisation lors du premier passage, cela veut dire que seulement 10 à 15% du médicament est actif de façon systémique), donc il est moins délétère au niveau des surrénales et sur l’os. C’est un anti-inflammatoire topique. Ce médicament est relativement fast-acting el les résultats se montrent après 7-10 jours. Ce médicament agit de différentes manières selon sa formulation. 

L’Entocort utilise une formulation dépendant du temps et du ph avec action sur l’iléon terminale et le colon alors que le Cortiment utilise un système MMX (multi matrix system) qui permet une activation seulement dans le colon. Le budénoside peut être également administrer par lavement (action sur la partie sigmoide du colon), par suppositoires (agit dur le rectum). Le budenoside sous forme orale est souvent débuté à 9 mg par jour pendant au moins 4 semaines et pas plus de 8 semaines. Par la suite, on réduit la dose de 3 mg toute les 4 à 8 semaines sur un total de 8 à 12 semaines. Si le patient n’est pas capable d’arrêter cette médication après 6 mois cela veut dire qu’il faut améliorer le traitement de fond en passant à une étape plus élevée. Les effets secondaires sérieux du buténoside sont ceux des corticoides au long court à savoir ; effet de supression sur les glandes surrénales, immunosupression, glaucome, cataracte, ostéoporose. Plus fréquemment, on peut avoir des maux de tête, nausée, diarrhée, vertige, dyspépsie, flatulence, vomissement, fatigue etc..

Les corticoides par voie systémique

  • En forme orale (prednisone, methylprednisone)
  • Sou forme rectale (hydrocortisone)

La prednisone est un anti-inflammatoire puissant qui a des effets aussi immunosupresseurs. Souvent, en phase aigue, on débute avec une dose initiale autour de 40 mg, après que l’on a obtenu un certain contrôle de la maladie (si possible avant un mois) ensuite on commence à réduire les doses de 5 mg par semaine sur les 2 à 3 prochaines mois. Si le patient n’est pas capable de réduire le dosage à cause des symptômes alors il faut envisager un traitement de fond plus puissant. Les effets secondaires de la prednisone sont très nombreux, je vous laisse les voir sur la photo ci-dessous.

Par voie rectale, il existe le Cortifoam qui est de l’hydrocortisone en mousse rectale qui s’utilise pour soigner les infections causées par une inflammation du rectum et du colon comme dans la colite ulcéreuse.

Médicaments dit « biologique »

Il s’agit de médicaments immunodépresseurs de nouvelles générationsLes plus fréquemment utilisés sont les anti-TNF alpha dont. Certaines études semblent montrer que l’introduction précoce de ce type de traitement surtout dans la maladie de Crohn serait plus efficace que l’approche classique en palier progressif (17).

Les Anti-TNF alpha

  • L’Infleximab (Remicade) est donné sous perfusion (5mg/kg), au début aux semaines 0,2 et 6 puis toutes les 6 à 8 semaines, la dose peut être adapté selon la réponse. Il existe de nombreux effets secondaires liés aux risques infectieux, de réactivation virale ou de cancer toutefois dans l’ensemble on constate assez rarement des effets sérieux. Des effets plus communs sont observés tels que céphalées, infections urinaires, nausées, douleurs abdominales, fatigue, prurit etc.
  • L’Adalimumab (Humira) sous forme d’injection par seringue ou stylo, 40 mg/toutes les 2 semaines, si la réponse est insuffisante on peut rapprocher les doses tous les 10 jours ou toutes les semaines. Les effets secondaires sont plus ou moins similaire à ceux de l’Infleximab. L’avantage par rapport aux perfusions de l’Infleximab, c’est qu’on peut se faire les injections à la maison.
  • Le Certolizumab pegol (Cimzia). L’avantage de cette préparation c’est qu’il ne traverse pas le placenta et peut être considéré comme assez sûre chez les femmes enceinte. Chaque stylo a 200 mg/millilitre, on commence par des injections de 400 mg en sous-cutané aux semaines 0,2,4 puis 400 mg par mois. Les effets secondaires sont plus ou moins identiques que les autres anti-TNF alpha.

Autres biologiques plus récents

  • L’Ustekinumab (Stelara)

C’est un anticorps anti-IL12/23. La première dose est administrée par infusion puis des injections sous cutanées sont administrées chaque 8 semaines après cela. On retrouve comme effets secondaires sérieux : infection, réactivation, cancer, anaphylaxie, pneumonie etc. Comme effets plus commun : infection, céphalée, prurit, fatigue, nausée, arthralgies etc..

  • Vedolizumab (Entivijo).

C’est un anticorps monoclonal anti-alpha 4 beta 7 integrin. C’est un médicament par perfusion. Les effets secondaires sont proches des autres traitements biologiques. On peut l’utiliser lors d’échec d’autres traitements biologiques.

Les immunosuppresseurs classiques

  • Azathioprine (Imurek)
  • 6-Mercaptopurine (purinethol, xaluprine)
  • Methotrexate

Dans le passé, ces médicaments immunosuppresseurs étaient utilisés pour induire une rémission. Toutefois avec la survenue des biologiques qui ont un meilleur profil de tolérance, ces médicaments ne sont plus utilisés pour rechercher une rémission mais plutôt pour renforcer l’effet des biologiques et diminuer la survenue d’anticorps contre les traitements biologiques.  En effet, les études concernant la capacité de l’azathioprine et du 6-mercaptoprurine d’induire une rémission dans la maladie de Crohn ou la RCUH ne montrent qu’un modeste avantage par rapport à des groupes placébo avec plus d’effets secondaires (15).  Les effets secondaires sont également nombreux et ces médicaments nécessitent des contrôles sanguins réguliers.

Les thérapies combinées

Beaucoup de médecins utilisent des approches par paliers progressifs, débutant par un traitement peu agressif puis selon la clinique, le combinant ou le remplaçant par un traitement plus fort. Ces dernières années, l’approche par paliers dégressifs semble montrer une meilleure efficacité. Il s’agit de choisir précocement une stratégie plus agressive en combinant des traitements plus puissants. L’approche la plus fréquente est d’utiliser en combinaison un biologique et un immunosuppresseur classique simultanément (par exemple Infliximab + azathioprine). L’avantage serait que ces 2 groupes agissent par des mécanismes différents pouvant être synergiques, réduisant le risque de faire des anticorps contre les agents biologiques et augmentant l’efficacité des biologiques, ce qui améliore la possibilité d’une rémission (16). Généralement, il est proposé d’enlever l’azathioprine après une période de 6 mois à une année et de garder uniquement le biologique. Bien entendu, si l’efficacité est meilleure, les risques d’effets secondaires sont également augmentés.

Prise en charge particulière de la colite ulcéreuse

Ce qui caractérise la prise en charge thérapeutique de la colite ulcéreuse par rapport à la maladie de Crohn, c’est l’utilisation plus marquée des traitements locaux.

Forme légère à modérée

  • L’administration des 5-aminosalicylés (mesalazine) par voie rectale ou par lavement permet d’induire assez souvent une rémission lors de proctite ulcéreuse.  Selon la localisation de l’atteinte de la maladie, il existe plusieurs options thérapeutiques. Une forme suppositoire (Rowasa) permet de traiter les 15 premiers centimètres depuis la marge anale alors qu’une mousse par voie rectale peut atteindre la partie distale du sigmoide et finalement un lavement (Salofalk lavement) peut traiter tout le colon gauche jusqu’à l’angle splénique.
  • S’il n’y a pas d’effet sous forme locale ou orale de 5-ASA, alors on peut proposer un corticoide topique. Le budénoside peut effectivement se donner par lavement ou suppositoires.  En cas d’échec, on peut donner le budénoside sous forme orale (selon protocole expliqué ci-dessus).

Lors de colites ulcéreuses plus sévères

  • Si le patient ne répond pas ni au 5-ASA (mésalazine) locale ou orale ni au budénoside par voie orale, il est conseillé de passer aux corticoides (prednisone) à bonne dose avant de diminuer progressivement.
  • Si ces médicaments n’arrivent pas stopper la crise après réduction des stéroides, il faut commencer un médicament biologique (Infliximab)
  • Si le patient ne répond pas au traitement biologique, alors une colectomie chirurgicale peut être nécessaire, dans les formes graves.

Maintenant que nous avons compris comment la médecine évalue et prend en charge les maladies inflammatoires de l’intestin et de quelle artillerie diagnostic et thérapeutique elle dispose, il est temps de s’ouvrir à de nouveaux horizons et de comprendre que des alternatives plus naturelles sont possibles, toutefois sans rejeter les traitements médicaux classiques qui peuvent se révéler indispensables dans certaines situations, car il ne faut pas oublier qu’il s’agit de maladies pouvant mettre le pronostic vital en jeu du patient.

Dr Antonello D’oro 

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